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Reviewed by:
  • Comprendre le génocide des Arméniens. 1915 à nos jours by Hamit Bozarslan, Vincent Duclert et Raymond H. Kévorkian
  • Aurélia Kalisky
Bozarslan, Hamit, Vincent Duclert et Raymond H. Kévorkian – Comprendre le génocide des Arméniens. 1915 à nos jours. Paris, Tallandier, 2015, 496 p.

Avec Comprendre le génocide des Arméniens. 1915 à nos jours, Hamit Bozarslan, Vincent Duclert et Raymond H. Kévorkian ont conçu un ouvrage couvrant l’ensemble du champ historiographique relatif au génocide des Arméniens. Produire un bon ouvrage de synthèse sur un sujet aussi vaste et complexe que le génocide des Arméniens, en retraçant à la fois les prémisses et les répercussions de cet événement historique majeur, et proposer le tout à un prix et dans une forme accessibles au plus large public : voilà un exercice qui représente un défi de taille, que ces trois historiens spécialistes du sujet ont tenté de relever.

Structuré en trois parties, le livre couvre sous une forme synthétique les trois grands domaines de l’historiographie consacrée au génocide. Présentée comme « un résumé très accessible » (p. 14) auquel le lecteur est invité à se référer si nécessaire, l’introduction retrace les grandes lignes du processus génocidaire et présente sous forme condensée le propos des trois parties qui vont suivre. La première, écrite par Raymond H. Kévorkian, est consacrée à « La destruction des Arméniens ottomans » et expose avec clarté et précision les différentes étapes du processus d’extermination, depuis les massacres de 1895-96 jusqu’au génocide proprement dit. Fidèle à sa méthode consistant à élaborer son interprétation non seulement à partir des archives des agents du génocide, mais aussi et surtout à puiser largement dans les témoignages des victimes, Kévorkian offre ici une excellente synthèse de ses travaux.

Rédigée par Hamit Bozarslan, la seconde partie consacrée aux « Fondements idéologiques, politiques et organisationnels de la destruction » explore l’idéologie jeune-turque à la fois dans le temps long et le temps court, son inscription dans le contexte ottoman et turc (en tant que réponse à la « trahison arménienne ») mais aussi au sein d’une histoire européenne marquée par les révolutions nationalistes et les idéologies totalitaires. Bozarslan s’attache à démontrer la singularité d’une combinaison paradoxale entre scientisme positiviste, darwinisme social et le millénarisme révolutionnaire caractéristique de l’unionisme qui, associée à une série de facteurs contextuels et aux spécificités des modes d’organisation et de légitimation du Comité Union et Progrès (en particulier une conception de l’action politique et une philosophie de l’histoire résumées sous le nom de comitadjilik [p. 151]), permet d’expliquer la dynamique génocidaire comme expérience d’une violence extrême de nature à la fois « intime » (p. 202) et « eschatologique » (p. 195- 97, l’auteur se référant ici à Marc Nichanian). Il analyse enfin le négationnisme d’État de la République comme le prolongement direct de la violence génocidaire, retraçant les lignes de continuité entre unionisme et kémalisme, montrant comment « à travers les décennies, une mémoire et une pensée d’État se sont forgées, marquées par la continuité » (p. 236).

La troisième partie enfin, qui est aussi la plus longue, est de la plume de Vincent Duclert. Elle présente une histoire politique, juridique, mémorielle et plus largement culturelle des répercussions des massacres et du génocide des Arméniens dans le monde (essentiellement occidental, si l’on excepte les cas de la Turquie et [End Page 671] de l’Arménie soviétique). Cette histoire se structure autour d’une opposition entre, d’une part, une lutte pour la reconnaissance du côté de la communauté arménienne et, d’autre part, une négation concertée du côté de l’État turc. Cette opposition est resituée dans un contexte international où la realpolitik des États occidentaux dispute le terrain...

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