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  • Introduction :quelques publications récentes autour du centenaire du génocide des Arméniens
  • Joceline Chabot

L’année 2015 a été marquée par une série d’événements commémorant le centenaire du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale. Tout au long de l’année, des expositions, des performances publiques, des films, des articles dans les médias, des colloques internationaux (Sorbonne, Paris, 25-28 mars 2015, UCLA 10-11 avril 2015, Erevan 8-12 juillet 2015, Université de Moncton, 1-3 octobre 2015), des publications ainsi que de grandes marches de solidarité à la mémoire des victimes ont rappelé à l’opinion publique que, cent ans plus tard, l’un des premiers génocides du 20e siècle est toujours en attente de reconnaissance de la part de la Turquie et d’une partie de la communauté internationale. Dans ce cadre, la commémoration du génocide des Arméniens demeure un acte militant pour les communautés arméniennes de la diaspora et pour le gouvernement arménien.

Dans un article récent (« Génocide arménien : retour sur un centenaire », Politique étrangère, automne 2015/3, pp. 83-91), le philosophe Michel Marian remarquait fort à propos que l’année 2015 n’a pas représenté un tournant important pour les relations arméno-turques comme l’avait fait le cinquantième anniversaire en 1965. En effet, les observateurs ont pu noter la permanence des arguments négationnistes d’Ankara présentés à travers les discours offusqués des autorités turques et plus particulièrement du président Recep Tayyip Erdogan qui a déclaré que « La Turquie ne peut reconnaître un tel péché ou un tel crime » (Agence France-Presse, Le Devoir, 21 avril 2015). En revanche, au niveau international, plusieurs gouvernements et parlements ont profité des commémorations pour reconnaître le caractère génocidaire des événements de 1915-1916 : le Luxembourg, les Pays- Bas, le Brésil, la Suède et le Parlement européen, pour ne citer que quelques exemples, se sont ajoutés à la liste des gouvernements et des États qui, comme le Canada, reconnaissent le génocide. L’une des déclarations les plus médiatisées est sans aucun doute celle du pape François. Dans son homélie donnée lors d’une messe pour les fidèles de rite arménien à la Basilique Saint-Pierre-de-Rome le 12 avril 2015, le souverain pontife utilisait pour la première fois le terme de génocide pour désigner les massacres des Arméniens provocant ainsi un incident diplomatique avec la Turquie. En guise de protestations, les autorités turques s’empressaient de rappeler la journée même leur ambassadeur au Vatican, tout en dénonçant les propos du pape qu’elles qualifiaient de « délires ». [End Page 653]

Si les autorités turques sont demeurées fermement campées sur leurs positions, il faut noter qu’un mouvement en faveur de la reconnaissance du génocide des Arméniens émerge depuis quelques années au sein de la société civile turque. Dans l’espace public, un récit différent de celui de l’État se fait entendre depuis une vingtaine d’années même s’il est encore très minoritaire et limité aux grands centres urbains, ce contre-discours transgresse des tabous bien ancrés. Dans les années 1990, des intellectuels turcs et turco-arméniens comme le journaliste Hrant Dink (assassiné en janvier 2007 en raison de ses prises de position en faveur de la minorité arménienne) ont ainsi osé remettre en question l’histoire officielle et la censure qui prévalent lorsqu’il s’agit d’évoquer la « question arménienne ». En 1992, un livre important exposait les conséquences néfastes du génocide des Arméniens et de sa négation pour l’ensemble de la société turque. Il s’agit du livre de l’historien turc Taner Akçam traduit et publié en français sous le titre Un acte honteux (Denoël 2006). L’auteur estime...

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