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Reviewed by:
  • Les ego-archives. Traces documentaires et recherche de soi by Patrice Marcilloux
  • Sophie Cœuré
Patrice Marcilloux
Les ego-archives. Traces documentaires et recherche de soi
Rennes, Pur, 2013, 250 p.

Partant du constat que les usages traditionnels des archives – preuves administratives, sources de l’histoire académique – sont remis en question par une demande sociale élargie depuis les années 1990 et 2000, Patrice Marcilloux propose avec cet ouvrage un panorama multiforme de la place nouvelle que ces dernières prennent dans les sociétés occidentales et les parcours de vie de chacun. Au cœur de son enquête se trouve l’ensemble des services d’archives publiques, dont la centralité est clairement remise en question par l’évolution de la notion et la concurrence de nouveaux acteurs publics – bibliothèques, Institut mémoires de l’édition contemporaine (Imec), etc. – ou privés (associatifs ou marchands). L’objectif n’est cependant pas de proposer un panorama institutionnel, mais de réfléchir à ce que l’auteur nomme les « ego-archives », définies en quatrième de couverture comme « autant les documents que les logiques d’usage qui permettent aux individus d’asseoir les stratégies de formation de leur individualité ». Si l’ambition théorique qui consiste à réfléchir sur la place des archives dans une société « de l’individu » est intéressante, le choix du terme d’ego-archives n’est pas très heureux, car il entraîne un malentendu avec le développement, depuis une vingtaine d’années, d’une réflexion historiographique majeure autour des notions bien définies d’ego-documents, d’écrits du for privé ou d’écrits de soi (journaux intimes, correspondances, livres de raison, etc.). L’ouvrage de P. Marcilloux n’entre en aucune façon dans ce débat, qui met en jeu les relations public-privé dans les sociétés contemporaines et traverse l’histoire sociale, l’histoire des totalitarismes, la réflexion foucaldienne autour du contrôle social et politique par la subjectivation.

Cette ambiguïté étant levée, on peut suivre avec profit une réflexion organisée autour de quatre axes problématiques. Le point de départ est la notion même d’archives, un terme malléable devenu largement polysémique depuis les années 1960, comme le montre l’auteur à partir d’études lexicométriques et diachroniques. Celles-ci révèlent une présence médiatique croissante dans la presse, l’édition et surtout sur le web, conduisant à l’extension de l’utilisation du terme dans les blogs et, plus largement, pour désigner le stockage informatique ou les « archives ouvertes ». Ainsi archives et archivistique se dépouillent-elles de leur connotation professionnelle et technique. L’auteur retrace aussi l’apparition des usages du singulier « archive », analysant fort bien tant l’ambiguïté fondatrice de cet outil épistémologique et/ou métaphorique chez [End Page 561] Michel Foucault, Jacques Derrida et Paul Ricœur, que son appropriation par les historiens attentifs aux non-dits des sources et aux dispositifs sociaux de production et de conservation des archives, sans oublier de souligner les usages paresseux et les effets de mode autour de « l’archive ».

La deuxième piste suivie par P. Marcilloux est celle de l’utilité sociale, notion juridique que les acteurs des politiques culturelles se sont largement appropriée, ce qui lui permet de s’interroger tout d’abord sur les pratiques « amateur » des archives. L’histoire locale, la généalogie ont profondément évolué depuis le XIXe siècle et reconfigurent les liens personnels avec un territoire et une histoire ainsi que l’implication dans des communautés associatives ou informelles. P. Marcilloux évoque ensuite la psychogénéalogie, la place des archives dans les processus de résilience (la mémoire familiale de la déportation par exemple) et de guérison. Enfin, il s’interroge sur le droit à consulter les archives administratives, ouvert par la loi de 1978, et ses effets paradoxaux puisque, conçu pour permettre au citoyen de contrôler son administration, ce droit a été approprié à des fins personnelles et patrimoniales. Il...

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