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Reviewed by:
  • Georges Duby, portrait de l’historien en ses archives dir. by Patrick Boucheron et Jacques Dalarun
  • Christophe Prochasson
Patrick Boucheron et Jacques Dalarun (dir.)
Georges Duby, portrait de l’historien en ses archives
Paris, Gallimard, 2015, 472 p. et 8 p. de pl.

Accompagnant l’intérêt grandissant des historiens pour eux-mêmes, les études consacrées aux grandes figures qui ont dominé l’historiographie contemporaine n’ont cessé de se multiplier. Le genre en est composite : biographies totales visant à restituer l’intégralité des connaissances sur l’historien, travaux centrés sur tout ou partie de son œuvre, enquêtes ciblant les engagements politiques et sociaux, histoire intellectuelle.

Patrick Boucheron et Jacques Dalarun ont, pour leur part, versé du côté de l’histoire du travail intellectuel, à la croisée d’une histoire des pratiques (comment l’on se documente, comment l’on écrit et l’on énonce, comment l’on parle) et d’une histoire des institutions universitaires. On ne peut que les en louer tant font défaut les recherches à même de rendre compte avec précision de la façon dont les livres s’écrivent, dont les cours et les conférences se préparent et dont, finalement, la pensée s’élabore et circule. Il est vrai que la documentation souffre parfois de lacunes qui rendent immédiatement caduc tout programme de cette espèce.

Georges Duby a laissé derrière lui une montagne d’archives (109 cartons), soigneusement conservées et rigoureusement traitées par l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (IMEC). Cet impressionnant volume de notes préparatoires, de correspondances ou de manuscrits de textes imprimés permet de suivre la naissance et l’accomplissement d’une œuvre. On peut sans doute s’interroger sur les ressorts intimes à même d’expliquer les raisons d’une telle conservation. L’érudite description de Yann Potin s’y essaie. Il tente d’en démêler les traces successives qui attestent des classements et des interventions (parmi lesquelles celles des archivistes de l’Imec) de nature et de qualité différentes.

Les dossiers sur lesquels se penchent les historiens de Duby furent d’abord des « archives vivantes », ces papiers qui nourrissent sans discontinuer une œuvre toujours en travail, dans lesquels Duby puisait inlassablement, de la fin des années 1940 à sa mort en 1996. J. Dalarun montre ainsi que le dernier Duby engagé dans des recherches sur l’histoire des femmes et du sentiment amoureux renoue avec des centres d’intérêt que ses archives trahissent précocement, dès les années 1950.

Archives saisies comme des instruments de travail, que l’historien mobilise selon ses besoins (développement de la recherche, rédaction d’ouvrages ou d’articles, préparation de conférences, etc.), les pièces de l’IMEC participent sans doute aussi un peu à l’élévation d’un monument destiné à la postérité. Chacun sait ce qu’il y a de « monumentaire » dans l’archive que l’on voue souvent de façon trop exclusive au « documentaire ». Duby ne semble pas ici se distinguer de ses semblables, lui dont le « goût de l’archive » excitait finalement moins l’appétit que celui de bien d’autres historiens.

Pour assurer l’auscultation des modalités du travail de l’historien, les documents de l’Imec ou d’ailleurs (notamment d’Aix-en-Provence, [End Page 559] où Duby enseigna jusqu’à son élection au Collège de France en 1970) ne sont pas les seules ressources disponibles. Le médiéviste a aimé se raconter lui-même, notamment dans l’un des textes qui composent les Essais d’ego-histoire rassemblés par Pierre Nora, ainsi que dans L’histoire continue 1. On aurait pu y adjoindre quelques sondages dans les archives audiovisuelles, trop souvent délaissées, alors que Duby ne dédaigna ni la radio ni la télévision.

Les auteurs font cependant souvent référence aux aveux de l’imprimé, sachant que les « fonds d’archives » attribués à une personnalité constituent parfois des leurres. Ils enferment les historiens dans un horizon documentaire unique, abusivement plac...

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