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  • La sociologie comme elle s’écrit. De Bourdieu à Latour by Jean-Louis Fabiani
  • Anton Perdoncin
Jean-Louis Fabiani
La sociologie comme elle s’écrit. De Bourdieu à Latour
Paris, Éd. de l’Ehess, 2015, 248 p.

Jean-Louis Fabiani présente, dans ce recueil d’articles publiés au cours des deux dernières décennies, son panthéon personnel de lecteur assidu des sciences sociales contemporaines. Ce panthéon est habité par des auteurs issus de traditions sociologiques aussi diverses que Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Michel Foucault, Daniel Cefaï, Andrew Abbott, Ivan Ermakoff, Randall Collins, Gérard Lenclud, Luc Boltanski, Cyril Lemieux et Bruno Latour. S’inscrivant dans les pas des premiers durkheimiens qui pratiquaient l’anthropologie de cabinet, mais aussi dans ceux de Jean-Claude Chamboredon (un hommage est rendu au maître qui aurait convaincu le jeune philosophe de se consacrer à la sociologie), l’auteur souhaite ainsi réhabiliter la lecture critique d’ouvrages comme « lieu d’innovation intellectuelle [End Page 554] » (p. 12) majeur, contre ce qu’il qualifie de « mystique du terrain » qui affaiblirait, sous prétexte d’empirisme, la discussion théorique dans les sciences sociales. La question du terrain est traitée en détail – quoique de façon exclusivement théorique – dans le chapitre consacré à L’enquête de terrain de D. Cefaï. Toutefois, à la différence, notable, des anthropologues de cabinet, le matériau recensé par J.-L. Fabiani n’est pas composé de rapports ethnographiques ou de récits d’enquêtes, mais d’ouvrages, souvent de synthèse, et à coloration théorique ou épistémologique, dont la discussion critique lui permet de dresser un tableau de la « dynamique épistémologique collective des sciences sociales depuis les années 1970 » (p. 14).

La mise en cohérence de cette collection d’essais est assurée par une introduction originale qui esquisse un portrait du sociologue en lecteur et expose les fondements de la démarche d’épistémologie critique de l’auteur, ainsi que par une conclusion consacrée aux conditions de la généralisation en sciences sociales et aux tentatives de recomposition d’une sociologie générale après l’émiettement de la discipline en champs, sous-champs et paradigmes concurrents.

Lire les sciences sociales et écrire sur les œuvres des autres est également, pour J.-L. Fabiani, un moyen de traiter des questions épistémologiques qui traversent son parcours de philosophe converti à la sociologie : à quelles conditions les arguments empiriques et théoriques des sciences sociales peuvent-ils énoncer une vérité des phénomènes sociaux ? Ces énoncés peuvent-ils dire plus que la seule description et interprétation de phénomènes localisés et contextuels, voire prendre un caractère nomothétique ? Comment s’articulent alors les échelles d’observation et les échelles d’analyse en sciences sociales ? Quel est le rôle des élaborations théoriques et des emprunts à la philosophie ? À quelles conditions mettre en œuvre une sociologie des productions intellectuelles et de leurs producteurs en général, de la philosophie et des philosophes en particulier ? Qu’est-ce que la crise des grands paradigmes explicatifs et les multiples « tournants » des dernières décennies ont fait aux sciences sociales ?

Le premier chapitre, consacré à « L’onto-logie politique de Martin Heideger » de P. Bourdieu, jette les bases d’une réflexion sur les conditions d’une critique sociologique de la philosophie – et d’une sociologie de la philo-sophie – qui se donne pour tâche de réhistoriciser les savoirs et les savants. J.-L. Fabiani en tire également une réflexion, plus politique, sur les modalités d’une critique sociologique qui serait, par l’exercice d’une « raison démocratique », au fondement de « l’auto-organisation des mondes intellectuels » (p. 34). Le chapitre consacré à Sociology of Philosophies de R. Collins poursuit la réflexion en ouvrant à une sociologie de « la production et de la réception des objets intellectuels » (p. 127) qui ne se donnerait pas pour objectif, à la différence de P. Bourdieu, de « mettre au jour les conditions sociales et culturelles d’exercice du magistère philosophique en mettant en relation des textes et...

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