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Reviewed by:
  • Sufism, Literary Production, and Printing in the Nineteenth Century ed. by Rachida Chih, Catherine Mayeur-Jaouen et Rüdiger Seesemann
  • Augustin Jomier
Rachida Chih, Catherine Mayeur-Jaouen et Rüdiger Seesemann (dir.)
Sufism, Literary Production, and Printing in the Nineteenth Century
Würzburg, Ergon, 2015, XVII-580 p.

Ces actes de colloque croisent deux champs d’étude en plein renouvellement : l’histoire des soufismes moderne et contemporain et l’histoire de l’imprimé arabe, persan et turc. [End Page 527] Certains des auteurs avaient déjà participé à deux collectifs consacrés au soufisme aux époques mamelouk et ottomane 1. L’un des grands mérites du présent volume est de rendre davantage compte de la diversité des mondes musulmans. Même s’il demeure centré sur les espaces ottoman ou de langue arabe, il traite aussi de l’Asie centrale, du Sud, et du Sud-Est, ainsi que de l’Afrique subsaharienne, ce qui permet de considérer autrement l’islam au XIXe siècle. Le livre a une belle cohérence thématique et problématique, servie par une admirable introduction et deux précieux index, des noms et des thèmes, ainsi que des œuvres citées. Une large gamme d’approches historiennes est déployée pour cerner le soufisme. Après une première partie consacrée à l’histoire du livre imprimé, une deuxième partie regroupe des contributions d’histoires littéraire et doctrinale. Les deux dernières mêlent histoires sociale, transnationale, économique et politique, afin de rendre compte de la diffusion sans précédent des cultures soufies au XIXe siècle.

L’objet soufisme n’est pas facile à distinguer du reste de la culture islamique jusque dans l’entre-deux-guerres. Les contributeurs adoptent des solutions variées pour le cerner : Catherine Mayeur-Jaouen cible les auteurs et les livres soufis dans des catalogues d’imprimés égyptiens et dans les collections de trois bibliothèques du Caire et de Londres, Alberto Ambrosio envisage la « bibliothèque idéale » de la confrérie Mevlevi et Rüdiger Seesemann les manuels de la Tijāniyya. D’autres contributions s’attachent aux figures de cheikhs soufis particulièrement productifs, ou affinent la connaissance de textes mal connus ou méconnus. Michael Laffan et Stéphane Dudoignon offrent quant à eux des panoramas plus larges sur la culture lettrée islamique en Asie du Sud-Est et en Asie centrale. L’approche du soufisme demeure donc assez institutionnelle (centrée sur les confréries et leurs figures majeures) et élitiste : il est avant tout question de culture lettrée, dans un monde où la majorité des soufis – comme de la population – étaient analphabètes. Toute une piété orale et d’autres formes de dévotion, portées par de nombreux imprimés de faible qualité, aujourd’hui perdus, échappent aux historiens. Un effort particulier est toutefois fourni pour ne pas surestimer la part des imprimés et évoquer la persistance durable des manuscrits, écrits et utilisés au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale. Dans leur diversité, les contributions démontrent de façon convaincante qu’en matière de soufisme l’impact de l’imprimerie est bel et bien le fait majeur du XIXe siècle.

Si les premières imprimeries du monde musulman ont été établies à la fin du XVIIIe siècle en Inde, en Asie centrale et, ponctuellement, à Istanbul, c’est surtout à partir des années 1820 en Asie, puis des années 1860 dans le monde arabe, qu’elles se développent. Le procédé de la lithographie permet notamment de reproduire à bas coût des manuscrits. Dès lors, une multitude d’imprimeries privées diffusent des textes dans des quantités et à des échelles inédites. L’Inde est le plus grand producteur d’imprimés islamiques au XIXe siècle en persan, en urdu et en arabe, avec pour centres Lucknow, Calcutta, Delhi et Bombay, carrefours pour les voyageurs musulmans du Moyen-Orient, d’Asie centrale et du Sud-Est, comme de l’Inde. Dans l’empire ottoman, les écrits musulmans de langue arabe sont imprimés à Beyrouth et...

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