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Reviewed by:
  • The Opened Letter: Networking in the Early Modern British World by Lindsay O’Neill
  • Pierre-Yves Beaurepaire
Lindsay O’Neill
The Opened Letter: Networking in the Early Modern British World
Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2015, 262 p.

Initialement portée par l’étude des circulations marchandes et des transferts de populations serviles à l’époque moderne, l’Atlantic history s’intéresse de plus en plus aux problématiques de l’histoire culturelle, et ambitionne une histoire totale attentive aux échelles comme aux trajectoires, à la matérialité des échanges comme à la perception des espaces qu’ils structurent. C’est dans cette dynamique que s’inscrit avec bonheur Lindsay O’Neill qui se propose d’étudier, dans son dernier livre, la société britannique en construction à partir de l’observatoire de l’épistolaire, depuis la mise en place du système postal jusqu’à l’émergence de la presse périodique.

L’auteure a le mérite de ne pas limiter son étude au contenu des lettres qu’elle mobilise. Elle s’intéresse tout autant à l’acte d’écriture, à ce que suppose l’entretien d’une correspondance transatlantique, qu’à la signification affective, sociale et culturelle de la réception d’une lettre. Car avant même que celle-ci soit ouverte par son destinataire, son expéditeur a dû choisir de la confier ou non à la poste royale – officiellement accessible au public à partir de 1660, avant une extension progressive du service dans le dernier tiers du XVIIe siècle – plutôt qu’à un porteur particulier et prendre en compte le coût de l’expédition, le risque de la perte ou d’une réception hasardeuse. Audelà de l’appréciation quantitative du phénomène épistolaire, à laquelle les historiens de la correspondance sont habitués, The Opened Letter rappelle à bon escient que la lettre – écrite, envoyée, reçue et conservée – est un objet d’histoire totale, qui doit être restitué dans son contexte. Si les empires ibériques sont apparus comme des « océans de papiers », traversés par d’amples circulations manuscrites dès la première modernité, l’activité épistolaire accompagne tout autant le devenir atlantique et impérial de la société britannique. Dans un espace océanique en expansion, où les échanges économiques s’accroissent considérablement, elle innerve et structure.

L. O’Neill ne pouvait faire l’impasse sur l’analyse de réseaux, tant la correspondance est l’un des domaines où les historiens l’ont le plus appliquée. Elle s’essaie même à l’utilisation du logiciel de visualisation NetDraw afin de caractériser les relations qui unissent par exemple John Perceval et ses correspondants puis d’étudier les relations qui s’établissent entre eux lorsque Perceval (« ego » en terminologie d’analyse de réseau) a été retiré. Ailleurs, l’auteure représente les relations d’affaires et les réseaux d’intérêts du même Perceval, de ceux du planteur William Byrd I et la correspondance d’Hans Sloane. Comme le sous-titre du livre l’exprime fort bien, L. O’Neill s’intéresse moins aux réseaux (networks) qu’à l’animation de ces liaisons fortes ou épisodiques, intéressées ou non, qui font la vie sociale (networking). Elle intègre ainsi certains chantiers parmi les plus porteurs de l’Atlantic history 1. Elle évite avec raison une approche purement technicienne, parfois à la mode, qui fait oublier l’essentiel : la lettre est un véhicule qui transporte non seulement de l’information, mais aussi la construit, l’annonce, et qui suscite de l’émotion, des réactions, ou rencontre parfois de l’indifférence. L’auteure peut ainsi se plonger dans la vie de ceux qui tissent et entretiennent ces relations en absence. En raison de la distance qui les sépare, ce ne sont en effet plus des relations en présence (face-to-face communication).

Pour relever ce défi, l’ouvrage s’appuie sur un large éventail de correspondances, où l’on rencontre aussi bien un pair anglo-irlandais, Perceval, fait comte d’Egmont, que le secrétaire de la Royal Society, Sloane ; un marchand féru de...

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