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  • Une reine épistolaire. Lettres et pouvoir au temps de Catherine de Médicis by Matthieu Gellard
  • Jean Boutier
Matthieu Gellard
Une reine épistolaire. Lettres et pouvoir au temps de Catherine de Médicis
Paris, Classiques Garnier, 2014, 736 p.

La correspondance de Catherine de Médicis, écrivait Alain Dewerpe en 1984, est « une exceptionnelle documentation sur les conflits politiques de son temps », elle est plus encore « un témoignage sur les modalités de l’exercice du pouvoir dans le système politique de la France du XVIe siècle » 1. Matthieu Gellard se propose de reprendre avec rigueur et méthode cette proposition. Après s’être assuré de son assise érudite, il examine la production et les pratiques épistolaires de la reine puis mobilise ce corpus pour l’étude d’un domaine que n’avaient pas exploré les auteurs du livre cité : l’exercice au quotidien de la diplomatie.

M. Gellard s’est refusé à livrer le détail des opérations, longues et méticuleuses, qui lui ont permis de construire son corpus. C’est d’autant plus dommage que l’on pourrait avoir l’impression, tout à fait erronée, qu’il a simplement utilisé telle quelle l’édition monumentale établie au XIXe siècle par Hector de La Ferrière, poursuivie au cours des premières décennies du XXe siècle par Gustave Baguenault de Puchesse. Il faut en effet, pour cerner l’ampleur de l’effort, se reporter en ligne à la présentation par le menu de l’ensemble des opérations (élimination des doublons, identification des lettres citées mais non publiées, repérage de lettres éditées dans d’autres études ou ouvrages...) qui ont permis de consolider cet énorme corpus épistolaire de 5 979 lettres – dont 819 autographes –, datées entre août 1559 et décembre 1588, c’est-à-dire la période durant laquelle Catherine a exercé une forte influence politique 2. Si M. Gellard a préféré publier cette contribution en ligne, c’est qu’il souligne, avec grande modestie, le caractère encore provisoire de cet inventaire. Sa découverte, dans les fonds manuscrits bien connus de la Bibliothèque nationale de France, de quelque dix-neuf lettres inédites l’incite à supposer que nombreux sont les inédits que conservent encore archives et bibliothèques, en particulier étrangères, comme les riches archives princières italiennes des Médicis ou des Gonzague. L’exigence érudite n’est pas ici un exercice formel, elle est indispensable pour donner toute leur force probatoire aux descriptions chiffrées par lesquelles s’ouvre le livre.

Le titre évoque, sans référence explicite, ce rey papelero, dont Fernand Braudel a tardivement brossé le portrait 3 : « roi de papier », une critique de Philippe II émise par ceux qui estiment que le roi ne peut pas rester enfermé dans son cabinet de l’Escorial à compulser du matin jusqu’au soir lettres et rapports, mais qu’il se doit d’agir et non d’écrire. Dans le cas de Catherine, la pratique épistolaire est présentée par M. Gellard comme un moyen puissant d’affirmer un pouvoir qui lui est sans cesse disputé. La pratique se mettrait en place avec l’accession au trône, à la fin 1560, de Charles IX, mineur jusqu’en 1563; ce qui est étonnant est qu’elle se maintienne, avec certes de fortes inégalités et une légère tendance à la diminution, pendant près de trois décennies. Lettres du roi et lettres de la reine-mère sont pendant longtemps indissociables; produites par de proches collaborateurs, elles signalent l’intervention politique de Catherine, forte sous Charles IX, progressivement plus discrète sous Henri III; ce repli est plus sensible dans la correspondance diplomatique, domaine où ce dernier s’implique plus fortement. Les fluctuations de cette production épistolaire ne renvoient pas dès lors à la seule activité de Catherine, mais constituent un indicateur politique complexe, où les conflits intérieurs sont inséparables de leurs intrications internationales. À la recherche de connivence ou d’alliances pour retisser des liens fragilisés par les crises, porteuses d’information ou donneuses...

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