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  • Rituel d’exorcisme ou manuel de magie ? Le manuscrit Clm 10085 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich (début du XVe siècle) by Florence Chave-Mahir et Julien Véronèse
  • Franck Mercier
Florence Chave-Mahir et Julien Véronèse
Rituel d’exorcisme ou manuel de magie ? Le manuscrit Clm 10085 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich (début du XVe siècle)
Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2015, 231 p.

Sous le sigle du manuscrit Clm 10085 de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich se cache l’un des premiers manuels spécialisés dans l’exorcisme des démons actuellement connus de l’Occident médiéval. Si la pratique officielle de l’exorcisme remonte à la plus haute Antiquité chrétienne, il faut attendre le dernier siècle du Moyen Âge pour que naisse le genre spécifique des rituels d’exorcisme dont ce manuscrit, datable du début du XVe siècle, constitue peut-être le témoin le plus ancien. L’originalité du manuscrit réside principalement dans le fait qu’il puise à des [End Page 487] sources d’inspiration très diverses, qui vont des formulaires liturgiques consacrés par la tradition de l’exorcisme (à l’instar de ceux qui figurent dans le Pontifical romano-germanique du Xe siècle) aux plus sulfureux traités de magie rituelle (tel que le célèbre Vinculum Salomonis). Pour éditer et rendre compte d’un objet textuel aussi complexe, mobilisant des matériaux fort disparates, à la fois liturgiques, démonologiques et magiques, il fallait réunir de rares compétences historiques. Le défi est relevé par deux spécialistes reconnus, l’un de la magie rituelle (Julien Véronèse), l’autre de l’exorcisme des possédés (Florence Chave-Mahir). Unissant leurs forces, ces deux chercheurs proposent, par-delà l’édition du rituel latin, une analyse globale du dossier avec pour ambition ultime d’élucider le statut incertain d’un manuscrit qui hésite entre rituel d’exorcisme et manuel de magie.

Le livre s’articule en deux parties. La première, distribuée en deux grands chapitres, est consacrée à la présentation et à l’analyse détaillée du manuscrit Clm 10085, tandis que la suivante propose une édition critique du rituel latin. Les auteurs assument par ailleurs le choix d’écarter la section du manuscrit rédigée en langue alémanique, dont un synopsis est cependant fourni à la fin de l’édition.

Pour mieux cerner ce texte étrange, J. Véronèse et F. Chave-Mahir commencent par le resituer dans le contexte de son élaboration, à savoir, selon toute probabilité, celui de l’Allemagne rhénane et méridionale aux environs de 1400. Cette mise en contexte permet de restituer les enjeux religieux, intellectuels, mais aussi politiques liés à l’élaboration de ce type de discours. L’invention, au début du XVe siècle, du livre d’exorcisme apparaît d’abord comme le signe d’une rupture majeure dans l’histoire longue d’une liturgie conçue par l’Église pour tenir à distance les forces du mal. Si cette innovation vise à répondre à une situation d’angoisse nouvelle suscitée par l’apparente capacité du diable à intervenir plus activement qu’auparavant dans le monde (à travers les possédés mais aussi les sorciers), il s’agit aussi et peut-être surtout de raffermir l’autorité de l’Église. Discipliner la pratique de l’exorcisme par des formulaires techniques tout en la réservant à des professionnels de la parole démonifuge correspond également à la volonté de mieux lutter contre ses détournements illicites, disqualifiés sous le nom de nigromancie ou de superstition. L’élaboration de ce type d’ouvrages spécialisés participe ainsi d’une évolution qui tend à renforcer la technicité de l’exorcisme pour mieux en garantir le succès, mais aussi pour en contrôler et en discipliner les usages. L’exorcisme devient une affaire trop sérieuse pour être confiée à des prêtres inexpérimentés et, a fortiori, à de simples laïcs. Les auteurs insistent avec raison sur l’inquiétude partagée par de...

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