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Reviewed by:
  • Writing the Early Crusades: Text, Transmission and Memory ed. by Marcus Bull et Damien Kempf
  • Benjamin Weber
Marcus Bull et Damien Kempf (dir.)
Writing the Early Crusades: Text, Transmission and Memory
Woodbridge, Boydell Press, 2014, X-174 p.

La première croisade est l’événement qui a suscité le plus grand nombre de productions historiographiques au Moyen Âge. En plus de quatre témoignages de participant direct, au moins douze chroniques lui sont entièrement consacrées, ainsi que de nombreuses autres mentions plus ou moins ponctuelles, le tout formant une toile de relations mutuelles et d’influences réciproques particulièrement ardue à démêler. L’ensemble de ce corpus se prête donc à une étude sur l’écriture de l’histoire et la mémoire, sur la transmission et la réception de connaissances sur le passé au sein des sociétés médiévales. C’est là l’objectif énoncé dès l’introduction : étudier la première croisade à la lumière des travaux récents sur la culture écrite et l’oralité au Moyen Âge et utiliser ce cas pour éclairer certains aspects de ces questions, moins visibles dans d’autres corpus.

Le projet, en soi, n’est pas nouveau. La vision positiviste du monumental Recueil des historiens des Croisades (1844-1895) n’est plus de mise depuis longtemps, comme le prouvent les nombreuses rééditions de sources depuis une trentaine d’années et les innombrables travaux qui les ont accompagnées. En rassemblant des auteurs, pour la plupart assez jeunes, qui ont produit des synthèses récentes sur l’un ou l’autre de ces textes, ce recueil se place dans cette longue lignée historiographique mais ambitionne malgré tout d’en renouveler le cadre interprétatif.

L’idée principale est de revenir sur une historiographie trop intéressée aux motivations politiques, souvent réduites à de la propagande pour tel ou tel participant ou telle ou telle conception de la première croisade 1. Il s’agit d’analyser le corpus en prenant en compte le contexte culturel de leurs auteurs et, surtout, de leurs lecteurs. L’attention se porte alors sur l’audience, espérée ou effective, de ces textes et sur la façon dont les modes de lecture conditionnent la mise par écrit d’un récit et sa signification sociale. Il est normal, dans ce cadre, que les études s’attachent uniquement aux sources latines, puisqu’elles se fondent sur les attentes du public occidental et sur la volonté des chroniqueurs d’offrir une vision de la croisade conforme à ce que leur auditoire voulait entendre. Le seul article qui fait exception, celui de Peter Frankopan sur les sources grecques (sur l’Alexiade d’Anne Comnène en réalité), s’insère d’ailleurs assez mal dans le recueil puisque ses conclusions – intéressantes par ailleurs – trouvent peu d’échos parmi les autres contributions.

Les onze autres études, en revanche, forment un tout certes divers et inégal mais cohérent, dont plusieurs apports méritent d’être soulignés, sans prétendre en épuiser totalement la richesse. Le premier est de remettre en avant certains textes, d’ordinaire peu étudiés car considérés comme secondaires au vu de leur apport limité à la connaissance des événements. Luigi Russo s’intéresse ainsi à la vision de la croisade dans la Chronique du Mont-Cassin – qu’il qualifie d’« incomplète et mal structurée » (p. 59) – qui montre l’importance de ce monastère comme lieu de transmission de la mémoire et la diversité des buts de sa production historiographique. Pas moins de trois articles sont consacrés à la chronique de Robert le Moine [de Reims], parce qu’elle a fait l’objet d’une réédition récente de la part des deux éditeurs du recueil mais aussi car le nombre de manuscrits conservés (plus de quatre-vingt) prouve l’immense popularité de ce texte parmi les lecteurs médiévaux. Par une étude de la provenance et du contexte d’écriture de ces manuscrits, Damien Kempf met en valeur le paradoxe d’un texte rédig...

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