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Reviewed by:
  • 1948 : les mineurs stéphanois en grève. Des photographies de Léonce Leponce à l’histoire, by Maurice Bedoin et al.
  • Michel Pigenet
Maurice BEDOIN, Jean-Claude MONNERET, Corinne PORTE et Jean-Michel STEINER. – 1948 : les mineurs stéphanois en grève. Des photographies de Léonce Leponce à l’histoire, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2011, 503 pages. Préface de Sylvie Lindeperg.

Ce bel ouvrage aura trop longtemps attendu le compte rendu qu’il méritait dans notre revue. Les grèves de 1948, âpre rejeu minier du séisme de l’année précédente, ont peu retenu l’attention des historiens. À tort, si l’on considère ce qu’elles nous disent, par-delà l’enchaînement des tensions de la guerre froide franco-française, sur les ressorts et modalités socio-anthropologiques des mobilisations ouvrières, clés d’accès à la compréhension des écosystèmes cégéto-communistes. Mais l’intérêt historiographique de la monographie stéphanoise tient d’abord à la méthode retenue par les quatre auteurs, respectivement directrice des Archives municipales de Saint-Étienne (AMSE), spécialiste de l’audiovisuel et historiens du Groupe de recherches et d’études sur les mémoires du monde ouvrier stéphanois. L’étude repose ainsi sur l’exploitation de 123 clichés qui, réalisés au cours des événements, sont au cœur du questionnement et de la démonstration.

Tous sont issus du très exceptionnel fonds photographique Léon Leponce, constitué entre 1973 et 2009, riche de plus de 10 000 documents, dont 9 663 ont été inventoriés et, en grande partie, numérisés par les AMSE. Léon Leponce (1893-1969) suit le conflit d’un bout à l’autre, fort des deux atouts que sont sa connaissance approfondie du terrain et sa qualité de reporter-photographe du Patriote, quotidien communiste régional, dont l’invocation tient lieu de sésame auprès des grévistes. Prises de ce côté des protagonistes, ses photos offrent, au sens plein de l’expression, un point de vue différent de celui de ses confrères cantonnés dans le sillage des forces de l’ordre. Plusieurs revêtent un caractère exclusif, notamment à l’occasion de la fusillade de Firminy qui, le 22 octobre, fit treize victimes ouvrières, dont un mort – Antonin Barbier -, tandis qu’une seconde victime – Marcel Goïo – décédera trois ans plus tard des suites de ses blessures. « Bon professionnel » que trois ans passés à l’École régionale des arts industriels de Saint-Étienne ont formé aux exigences du cadrage et de la composition, Léon Leponce, rompu aux servitudes du reportage localier, excelle dans les prises de vues « institutionnelles », voire « consensuelles », sur le modèle des séries réalisées avant-guerre pour la société Casino. S’il travaille pour le Patriote de 1944 à 1956, ce n’est pas par militantisme partisan, quand bien même le photographe s’accommode des consignes politiques de la direction du journal. Cette collaboration ne lui nuit pas. Au plus fort de la grève, certains de ses clichés, recadrés et dûment légendés, paraissent dans des quotidiens nationaux non communistes, voire anticommunistes à l’exemple de L’Aube ou de L’Aurore. Après 1956, les compétences de Leponce trouveront sans difficulté à s’employer auprès d’autres titres stéphanois.

On sait gré aux auteurs d’avoir parfaitement maîtrisé l’interprétation du corpus, régulièrement confronté aux données tirées des fonds des Archives nationales, des séries des archives départementales et de collections de bibliothèques. Les commentaires s’appuient, en outre, sur les témoignages recueillis auprès de 76 porteurs de mémoire dont l’exactitude a facilité l’identification de nombreux acteurs. Un solide appareil critique – notes, sources, bibliographie, chronologies, lexique, 57 repères [End Page 160] biographiques – étaye les analyses ordonnées en deux parties successivement consacrées à l’événement, puis au reporter-photographe dans son double rapport à la presse et à l’histoire.

L’un des...

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