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Reviewed by:
  • Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation by Frederick Cooper
  • Magali Della Sudda
Frederick COOPER. – Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, Paris, Payot, 2015, 633 pages. Traduit par Christian Jeanmougin.

Traduction de Citizenship between Empire and Nation. Remaking France and French Africa, 1945-1960 publié par Princeton University Press en 2014, ce livre « explique pourquoi, en 1960, la France et l’Afrique occidentale française se sont retrouvées avec une forme d’organisation politique dont ni l’une ni l’autre n’avaient voulu durant la majeure partie des quinze années précédentes » (p. 15). Il restitue l’éventail des définitions de la citoyenneté et se concentre sur les différentes définitions de la citoyenneté, de la nationalité et de la souveraineté portées par les élites africaines et coloniales.

« En 1945, réclamer une citoyenneté inclusive dans un empire était un geste révolutionnaire. À l’époque, la plupart des Africains – et des Algériens – étaient considérés comme des nationaux français et des sujets français, mais non comme des citoyens français. Ils ne pouvaient devenir citoyens que s’ils renonçaient à leur statut personnel islamique ou ‘coutumier’, acceptaient les règles du code civil sur le mariage et l’héritage, et persuadaient les administrateurs qu’ils avaient pleinement assimilé les normes sociales françaises. Rares furent ceux qui choisirent cette option ; plus rares encore ceux qui furent acceptés » (p. 18).

Cette situation souffrait cependant d’une exception, celle des Quatre Communes du Sénégal dans lesquelles les « habitants originels » (p. 19) jouissaient d’une « citoyenneté dans le statut ». Ces citoyens étaient une minorité, la majorité éprouvant la distinction entre sujet et citoyen.

Le premier chapitre, « De l’Empire français à l’Union française », porte sur la situation des différents territoires et populations au sein de l’Empire français. Félix Éboué, gouverneur de l’AEF qui avait rallié précocement la France libre de Charles de Gaulle, prend l’initiative de réunir une conférence en janvier 1944 à Brazzaville. Les enjeux principaux sont la suppression du travail forcé et de la surimposition fiscale, et « l’évolution » du peuple africain dans le cadre des sociétés dites traditionnelles (p. 40). La conception de la participation citoyenne est formulée selon les schèmes de l’époque, articulée autour de la notion d’élite de « notables évolués », susceptibles d’intégrer le corps des citoyens actifs, opposés aux « non-évolués ». L’inquiétude de l’administration centrale – le ministère des Colonies – devant un élargissement massif est tangible dans les documents d’archives. Donner à la France une dimension plus inclusive fut la tâche assignée à la commission Pleven (mai-août 1944). S’y affrontent [End Page 157] différents projets de fédérations, fortement marqués toutefois par un évolutionnisme attesté et la volonté de maintenir un centre métropolitain. Les propos racistes de Jules Moch, n’admettant pas que les colons français de métropole « soient mis en minorité par les chefs nègres » (p. 55), témoignent de la difficulté au sein de la Commission à faire admettre l’égalité politique de Brest à Djibouti. À ce stade de l’enquête, la question du sexe n’est pas évoquée. En tout état de cause, il ressort une conception différentielle des liens qui doivent rattacher les composantes de la « Communauté française ».

Le deuxième chapitre, « Une constitution pour un empire de citoyens », retrace les débats sur la codification de « l’appartenance politique », selon les mots de Senghor (p. 91), durant l’Assemblée nationale constituante. La loi Lamine Gueye du 7 mai 1946 est présentée comme une volonté d’abolir « toutes les barrières qui subsistent encore entre les hommes que nous voulons proclamer égaux » (p. 103). Sa portée est toutefois limitée par les lois du 9 mai 1946, sur les assemblées territoriales et les administrations municipales, et du 13 avril 1946 qui organisent la citoyenneté, distinguant des degrés et des « électeurs capacitaires ». La...

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