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  • Éloge de la désobéissance Susanna Barrows, l’histoire de la France et la crise du 16 mai 1877
  • Pierre Karila-Cohen* and Patrick Fridenson**

Les textes inédits de Susanna Barrows (1944-2010) que nous avons la chance d’éditer dans cette livraison du Mouvement social devraient faire date. Ils racontent un itinéraire d’historienne, trop tôt disparue en 2010, et éclairent à nouveaux frais un épisode essentiel de l’enracinement de la République dans la France du XIXe siècle, la crise du 16 mai 1877. Retraçant avec beaucoup d’émotion la chaleureuse personnalité, la vie, l’œuvre et le rôle international de cette historienne peu de temps après sa mort subite, Le Mouvement social de janvier-mars 2011 avait déjà annoncé la décision de la revue de lui rendre hommage en publiant quelques-uns des textes inédits sauvegardés par ses amis de l’université de Berkeley1. Aussi trouvera-t-on dans le présent numéro un ensemble de quatre articles dont l’histoire de la désobéissance, ou de formes de désobéissance, constitue le fil conducteur : d’une part une communication du 11 mai 1985 à un symposium de l’université de Washington à Seattle qui explique la démarche originale de la génération d’historiens américains de la France qui était la sienne par rapport aux historiens français et justifie le projet d’une histoire sociale du rejet du pouvoir autoritaire par le prisme de la France du 16 mai 18772, d’autre part, sur ce thème, deux fragments de 2007 de son livre inachevé The Uncharted Revolution: Politics and Culture in 1877 ainsi qu’une communication présentée au colloque de Besançon de 2002 sur Victor Hugo, consacrée à la réaction de ce dernier face au « coup » du Seize-Mai, mais laissée inédite par son auteure3. [End Page 3]

Confiés par sa fille, Alexandra Stanley Barrows, à laquelle nous exprimons notre reconnaissance, ces textes nous sont arrivés dans un état presque complet d’achèvement. Certes, outre la traduction de trois d’entre eux, il a fallu photographier de nouveau les documents des Archives de la Préfecture de police joints par Susanna Barrows à ses articles sur 1877, compléter plusieurs références, archivistiques ou émanant de sources imprimées4, et reconstituer les notes manquantes de la communication de 19855. Il a également fallu ajouter, ici ou là, quelques notes d’édition pour préciser qui sont les personnages cités dans les sources ou contextualiser des faits évoqués un peu vite pour un lecteur non spécialisé. En dehors de ces interventions ponctuelles, cependant, c’est tout Susanna Barrows que retrouveront les lecteurs de ses articles et surtout de son maître ouvrage, Miroirs déformants6. Notre publication fait écho – il est important de le signaler – au numéro que Sociétés et Représentations avait construit en 2014 autour des travaux de Susanna Barrows et de ses élèves à Berkeley7, dans lequel figurait un premier article inédit de l’historienne américaine sur la crise du Seize-Mai, consacré aux lettres et pétitions envoyées par des citoyens ordinaires au président Mac-Mahon pour le convaincre de faire machine arrière ou pour lui dire désagréablement son fait8. Il existe entre ce texte et ceux que nous publions, et entre ceux-là mêmes, de multiples recoupements, des paragraphes voire des pages semblables. Des figures récurrentes les traversent, de Flaubert au « poète » Jérémie et de l’ancien fabricant de drap, graffitiste de 1877, Louis Lasègue, aux amateurs anonymes de messages hostiles teintés de pornographie ou de scatologie à l’encontre des gouvernants. Nous avons choisi de conserver ces répétitions pour préserver l’intégrité des textes car ces développements communs semblaient à chaque fois nécessaires à leur équilibre propre. Nul doute que dans le livre projeté par Susanna Barrows, The Uncharted Revolution, ces recoupements auraient disparu dans le processus de construction générale de...

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