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Reviewed by:
  • Désinstitutionnalisation psychiatrique en Acadie, en Ontario francophone et au Québec, 1930–2013 ed. by Marie-Claude Thifault, Henri Dorvil
  • Benoît Majerus
Désinstitutionnalisation psychiatrique en Acadie, en Ontario francophone et au Québec, 1930–2013 Marie-Claude Thifault et Henri Dorvil (dir.) Québec: Presses de l’Université du Québec, 2014, 216 p., $27

Lorsque l’historien s’approche de la désinstitutionnalisation en psychiatrie, il se retrouve face à un phénomène qui a déjà donné lieu à de multiples récits contemporains, entre autres par des disciplines qui lui sont proches comme la sociologie. Que ce soit «désinstitutionnalisation », « sectorisation », « communarisation », «déshospitalisation », la terminologie utilisée n’est pas issue d’une réflexion historiographique, mais constitue un terme contemporain au phénomène qu’il est censé décrire. Les mots utilisés sont dès lors chargés au niveau idéologique et politique. Pour certains, il s’agit d’une nécessité morale – l’institution asilaire est une prison–, pour d’autres, d’une nécessité médicale – l’institution asilaire rend malade–ou encore, d’une nécessité financière – l’institution asilaire est trop chère. Comment dès lors se défaire de ces carcans de lectures et produire un récit nouveau? Tel est le défi de ce livre consacré à la désinstitutionnalisation psychiatrique en Acadie, en Ontario francophone et au Québec. La réponse de l’équipe de recherche autour de [End Page 569] Marie-Claude Thifault, professeure à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa, est finalement assez logique: en se plongeant dans les archives et en produisant une narration qui donne une voix à tous les acteurs de cette désinstitutionnalisation, aussi bien les médecins, que les infirmières, les patients ou les hommes et femmes politiques. De ce livre riche, j’aimerai retenir deux idées: l’importance de la psychopharmacologie, et l’inscription de la désinstitutionnalisation dans un processus sociétal plus large.

La question de savoir si la psychopharmacologie est une condition nécessaire pour permettre la désinstitutionnalisation est débattue dès les années 1960. Si les auteurs du livre avancent d’autres raisons comme les changements induits par la participation du Canada à la Deuxième Guerre mondiale et le traitement en partie psychothérapeutique des soldats qui s’ensuit, ils accordent néanmoins une place essentielle à la psychopharmacologie. En qualifiant l’introduction des neuroleptiques et des antidépresseurs comme la « plus grande révolution thérapeutique en psychiatrie » (3), ils suivent l’autre historien canadien, Edward Shorter, qui souligne également la centralité de la thérapie médicamenteuse. Comme l’écrit Martin Pâquet dans sa conclusion: « avec ses découvertes en pharmacologie, cette dernière [l’industrie pharmaceutique] est aux origines du mouvement de désinstitutionnalisation des années 1950 » (187). Malheureusement, les auteurs n’engagent cependant pas davantage la discussion avec les auteurs américains et européens qui contestent cette lecture.

Comme dans d’autres pays, la désinstitutionnalisation en psychiatrie est inscrite dans des changements sociétaux plus larges. Au Canada francophone, les jeunes psychiatres modernistes qui veulent changer le monde en transformant les asiles sont bien sûrà rattacher à la Révolution tranquille. Pour les auteurs, les deux mouvements « sont jumeaux: non seulement sont-ils survenus au même moment, mais ils ont les mêmes parents » (37). En même temps, ils soulignent également que le cri de ralliement de la « modernité »aégalement une fonction mythologique servant à dévaloriser les périodes antérieures, à savoir « la Grande Noirceur » et « l’asile muséologique ». Tout un chapitre, écrit par Thifault et Martin Desmeules, consacré aux expériences de désinstitutionnalisation entre 1930 et 1976, argumente d’ailleurs que cette séparation manichéenne entre «ténèbres » (avant les années 1970) et « lumière » (après les années 1970) n’est pas nécessairement pertinente. Ce n’est pas seulement la première moitié du 20e siècle qui est revisitée, mais également les [End Page 570] raisons et les conséquences de la désinstitutionnalisation. Et le...

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