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  • La mort à l’œuvre. Usages et représentations du cadavre dans l’art ed. by Anne Carol et Isabelle Renaudet
  • Sandra Menenteau
La mort à l’œuvre. Usages et représentations du cadavre dans l’art
Anne Carol et Isabelle Renaudet (dir.)
Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, 2013, 312p., €29

L’ouvrage collectif dirigé par Anne Carol et Isabelle Renaudet rassemble des contributions présentées lors de deux journées d’études organisées en septembre 2011 et septembre 2012 dans le cadre du projet ANR CoRPS (Le Corps mort : Recherches sur l’histoire des Pratiques et du Statut du cadavre dans l’Europe méridionale 18e-milieu 20e siècle). Le premier résultat issu des réflexions de ce groupe de travail–deux autres publications devraient suivre–aborde le rapport de l’art à la mort par un prisme original, celui de la représentation et de l’utilisation artistiques du cadavre.

Outre la diversité disciplinaire des auteurs–historiens, historiens de l’art, sociologues, littéraires, anthropologues et même artistes –, cet ouvrage envisage le sujet au travers d’une diversité artistique : la peinture, l’opéra, la littérature, la photographie, la controversée plastination et, plus surprenant, la cuisine. De même, une variété chronologique et géographique est proposée. Les contributions couvrent une période qui s’étend du 17e au 21e siècle, avec une préséance accordée au 19e siècle. Et si les pays méditerranéens sont mis à l’honneur (France, Espagne, Italie), quelques incursions outre-Manche, outre-Rhin et outre-Atlantique sont effectuées. [End Page 263]

La première partie de l’ouvrage s’interroge sur les conditions et les normes esthétiques permettant au cadavre, objet de répugnance par excellence, de devenir un sujet artistique. Les contributions de Magali Théron et Bruno Bertherat abordent les procédés figuratifs et lexicaux utilisés dans les œuvres picturales françaises du 17e siècle et dans un récit de voyage britannique du 19e siècle pour représenter et décrire le corps privé de vie. Rafael Mandressi met le travail « anatomico-artistique » du décrié Günther von Hagens en perspective avec les œuvres de Joel-Peter Wilkin qui donnent elles aussi à voir des compositions cadavériques. Repoussé en raison de la vision pénible qu’il produit ou de l’odeur répugnante qu’il dégage, le cadavre est pourtant consommé. Objet de dégoût pour certains, le cadavre est un met raffiné pour d’autres, comme le suggèrent les réflexions d’Anne Carol sur l’art culinaire. L’aliment et la corruption qu’il subit sont au cœur de la contribution de Frédérique Desbuissons. Quelques critiques d’art du 19e siècle ont usé des métaphores et détournements culinaires pour souligner et illustrer le pourrissement de la peinture de leur époque.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée aux fonctions du corps privé de vie dans le dispositif artistique occidental. De multiples rôles peuvent lui être attribués. Accusateur muet dans le tableau de Prud’hon, le cadavre lance, à son corps défendant, la Justice et la Vengeance à la poursuite du criminel (R. Bertrand). Protagoniste tout autant silencieux, la dépouille mortelle, montrée ou suggérée, sert la dramaturgie des opéras romantiques italiens des 19e-début 20e siècles. Martine Lapied indique que le cadavre est un ressort narratif qui doit relancer l’action et susciter émotion et effroi chez le spectateur. Provoquer la frayeur du lectorat est la raison d’être du cadavre dans les romans gothiques de l’Angleterre victorienne. Wilkie Collins éveille la peur et l’inquiétude de ses lecteurs en mettant à profit les débats politiques et hygiénistes de son époque autour du cadavre : inhumations précipitées, éloignement des cimetières, dangers de la décomposition putride (L. Talairach-Vielmas). S’emparant d’une autre œuvre littéraire, Anne Carol s’interroge sur la signification de l’exhumation de la dépouille...

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