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Reviewed by:
  • Maillard, ou, Paris sauvé et Raymond V, comte de Toulouse by Michel-Jean Sedaine
  • Béatrice Ferrier
Michel-Jean Sedaine, Maillard, ou, Paris sauvé et Raymond V, comte de Toulouse. Textes édités par John Dunkley. (MHRA Phoenix, 8.) Cambridge: Modern Humanities Research Association, 2015. 276pp.

Ce sont deux textes peu connus de Sedaine, que John Dunkley rend désormais accessibles à la lecture. Ces deux pièces engagées, d’inspiration médiévale, sont réunies à juste titre dans le volume puisque Maillard, ou, Paris sauvé, tragédie en prose de 1770 imprimée en 1788, dont la représentation à la Comédie-Française a été interdite, fait implicitement l’objet de Raymond V, comte de Toulouse, comédie heroïque de 1778 jouée en septembre 1789 et demeurée à l’état de manuscrit, qui met en scène l’impuissance d’un roi face à la censure. Adressées à Catherine II par l’intermédiaire de Grimm, fervent partisan de l’auteur du Philosophe sans le savoir, elles abordent la question de la fragilité du pouvoir. L’Introduction très documentée démontre de manière convaincante que la tragédie historique de Maillard, autour de la conjuration d’Étienne Marcel dans la période de crise politique et économique des années 1357–58, ne pouvait que faire écho au contexte instable de la France à l’issue de la Guerre de Sept Ans, marqué notamment par le conflit qui oppose Maupeou aux parlementaires. Toutefois, comme l’analyse Dunkley, l’interprétation demeure plus ouverte qu’un simple texte à clefs grace à la construction ambigüe des deux opposants que sont le conspirateur, Marcel, et le fidèle partisan du roi, Maillard. En effet Sedaine, qui entend renouveler le genre, adopte les points de vue de personages [End Page 439] secondaires à travers une intrigue amoureuse digne de l’esthétique du drame: deux jeunes gens vertueux, le fils de Marcel et la fille de Maillard, mariés secrètement, ont un enfant caché, une situation qui se prête à quelques scènes domestiques et pathétiques, réactivant le dilemme entre le devoir aux pères et l’amour passionné. Ce couple empreint de sentiments naturels et vrais conduit à émettre des réserves au sujet du personnage héroïque de Maillard, patriarche intransigeant qui s’oppose à leur union, qui juge le fils d’après les actions du père. L’éditeur souligne ce mélange des genres et les réactions ambivalentes de la réception lors des représentations privées, de même qu’il rapporte avec précision l’histoire complexe de cette censure sans appel. C’est ce qui amène Sedaine, huit ans plus tard, à élaborer la comédie de Raymond V, dont le cadre de la cour toulousaine du douzième siècle et ses personnages servent de prétexte à une intrigue fictionnelle plus légère sur les difficultés du comte à faire valoir ses désirs et son autorité contre le pouvoir des courtisans et des hommes de l’ombre. La question du choix générique de la comédie héroïque, qualifiéde ‘désuet’, n’est malheureusement pas développée dans la seconde Introduction qui met davantage l’accent sur le contexte historique et le caractère polémique. Outre le plaisir de la découverte et la satisfaction de la curiositédu lecteur, cette édition présente l’intérêt d’éclairer avec précision le sens de ces pièces du point de vue de l’histoire médiévale en articulation avec le contexte des Lumières et les enjeux politiques et esthétiques lies à la mise en scène.

Béatrice Ferrier
Université d’Artois
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