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Reviewed by:
  • A Frenchwoman’s Imperial Story: Madame Luce in 19th Century Algeria by Rebecca Rogers
  • Magali Della Sudda
Rebecca ROGERS.– A Frenchwoman’s Imperial Story: Madame Luce in 19th Century Algeria, Stanford, Stanford University Press, 2013, 267 pages.

L’ouvrage de Rebecca Rogers suit l’itinéraire d’Eugénie Allix-Luce (1804-1882), une institutrice de province qui arriva en Algérie en 1832. C’est une rencontre fortuite, celle du dossier de l’école de broderie ouverte à Alger pour éduquer les fillettes musulmanes, qui conduit l’autrice à entreprendre ce récit de la colonisation à travers le parcours d’Eugénie Bertau devenue Mme Luce. À la manière d’un récit ethnographique, la narration s’ouvre sur les notes de terrain de Rebecca Rogers, laissant voir le parcours sinueux de l’historienne sur les traces de Mme Allix-Luce. Cette biographie se veut une contribution à une histoire de la colonisation qui prenne en compte le genre : « La connaissance de leur vie [des femmes parties dans les colonies pour ouvrir des écoles] offre un moyen d’observer comment le genre affecta la mission civilisatrice » (p. 11).

Le premier chapitre retrace la jeunesse et le mariage d’Eugénie, dans le Cher, en confrontant le récit héroïque qu’elle en fera à une journaliste féministe anglaise, Bessie Rayner Parkes – inventant au passage une généalogie commune avec George Sand–, aux informations trouvées dans différents fonds d’archives. Issue de la petite bourgeoisie, elle est mariée en 1826 à un homme plus âgé qu’elle – Alexandre Allix – et avec qui les relations semblent difficiles. Mère de deux enfants, dont une seule survit à sa première année, Eugénie vit en donnant des cours dans une école privée. Les revenus du ménage sont modestes. Rebecca Rogers situe le départ vers l’Algérie dans ce contexte matériel précaire et dans celui du développement des idées saint-simoniennes. Eugénie Allix laisse derrière elle un mari qui écrit aux autorités pour les presser de lui renvoyer son épouse et leur fille de 5 ans.

Les premières années en Algérie (1832-1845) font l’objet du deuxième chapitre. L’Algérie représente alors, pour cette femme comme pour d’autres, la perspective d’un futur meilleur que la vie qu’elle connaissait en métropole. On repère ainsi des migrations de femmes seules – « rentières » (p. 43), demoiselles, nonnes, ouvrières ou lingères. Dans ce chapitre, l’autrice évoque l’installation concomitante des Sœurs de Saint-Joseph (1835) qui, sous l’égide de la supérieure Émilie de Vialar, accompagnent la colonisation à travers leur activité hospitalière et éducatrice. L’espoir s’évanouit rapidement pour Eugénie : à une condition sociale modeste s’ajoute la perte d’une enfant en bas âge. Elle apparaît comme lingère pour l’armée, mère d’une fille « illégitime » (qui décède avant son premier anniversaire) dans les registres de 1835. Cette situation, comme le rappelle R. Rogers, est loin d’être exceptionnelle à Alger où un enfant sur cinq naît alors hors mariage, et un tiers meurt en bas âge. Sa sociabilité semble être caractérisée par sa fréquentation des saint-simoniens, tel Marion, juge de paix à Bône. C’est là qu’elle donne naissance à un fils qui porte le patronyme de l’époux demeuré en métropole selon la prescription du Code civil, Louis Lucien Allix. L’enfant meurt six mois plus tard (1840). La relation avec Enfantin et les saint-simoniens est explicitée par Eugénie Luce qui se définit dans sa correspondance comme « une femme affranchie et indépendante » (p. 51). 1845 [End Page 192] marque un tournant biographique : le veuvage l’amène à rentrer en France pour récupérer sa fille et la somme léguée par son mari. Cela lui permet de réaliser son projet d’ouverture d’une école pour les filles musulmanes. Cette nouvelle situation rend possible la sortie de l’ombre de son compagnon, Napoléon-Louis...

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