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  • Et on tuera tous les affreux. Le féminisme au risque de la misandrie (1970-1980) by Colette Pipon
  • Yolande Cohen
Colette PIPON. – Et on tuera tous les affreux. Le féminisme au risque de la misandrie (1970-1980), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, 240 pages. « Mnémosyne ». Préface de Michèle Zancarini-Fournel.

Le mémoire de maîtrise de Colette Pipon, lauréate du prix Mnémosyne, est à l’origine de cette publication. L’auteure s’est demandé s’il n’y avait pas des [End Page 177] expressions de misandrie dans le mouvement féministe des années 1970. Constatant le peu d’études consacrées à la misandrie (des femmes la plupart du temps, mais pas seulement) à l’égard des hommes, alors que la misogynie de ces derniers est bien documentée, l’auteure s’est mise en devoir d’étudier les manifestations de la misandrie des féministes durant les années fastes du mouvement, entre 1970 et 1980. L’auteure repère les mots de la haine des hommes, mais aussi les représentations, images et utopies projetées par des féministes, à partir d’une analyse des discours d’une dizaine de militantes féministes, ainsi que ceux de quelques-uns des journaux (Le Torchon brûle), tracts, vidéos et affiches de cette période.

Dans les deux premiers chapitres, Colette Pipon rappelle les grands moments du mouvement féministe des années 1970, ses critiques de la domination masculine, ses efforts pour définir l’ennemi et le patriarcat, et la façon dont s’est cristallisée la haine des hommes au cours des campagnes féministes sur l’avortement, le viol et les violences conjugales. En lisant ces slogans et interprétations a posteriori, pour moi qui ai vécu cette période, j’ai été surprise de l’acuité des analyses qui, même faites à l’emporte-pièce, révèlent l’intensité de la prise de conscience de l’oppression par les femmes de tous les milieux. Ces prises de parole, souvent intempestives, libéraient ainsi une énergie nouvelle que l’on retrouve dans les passages rapportés par l’auteure. Dans le deuxième chapitre, la quête d’une nouvelle identité passe pour la plupart de ces femmes par le rejet violent du modèle féminin traditionnel. La misogynie des hommes est dénoncée par tous les moyens possibles, et le système patriarcal accusé de tous les maux. Se déploie en contrepoint une vision utopiste de la femme nouvelle, où les mythes anciens sont récupérés (comme la sorcière ou l’amazone) pour mieux faire surgir l’utopie d’un féminisme tout puissant, délivré de l’aliénation. Dans le troisième chapitre, se dégage alors la figure de l’oppresseur, l’Homme, qu’il soit un intellectuel, un curé, un syndicaliste ou un psychanalyste qui apparaissent tous dans ce portrait de groupe comme les vecteurs de l’oppression du système patriarcal. La Haine des hommes, de tous les hommes, apparaît alors sans retenue dans les discours de ces femmes féministes de la première heure.

Les deux derniers chapitres sont consacrés à une analyse fine des formes de résistance des femmes à l’oppression patriarcale à travers les pratiques féministes de cette période. L’auteure constate qu’au sein d’un certain féminisme radical, qui s’exprime en particulier dans le SCUM Manifesto, la misandrie est très largement présente. L’homme devient l’ennemi à abattre, et les femmes doivent rompre tout contact avec tous les hommes, car ils sont des violeurs en puissance. L’essentialisation du discours sur l’identité des hommes y est la règle. Ce que l’auteure constate également quand des féministes insistent pour imposer la non mixité des réunions et des manifestations féministes, quand elles préconisent la grève des femmes et, bien sûr, quand elles recommandent la pratique du lesbianisme comme seule attitude radicale, révolutionnaire et féministe. Certes, la revendication homosexuelle qui a libéré de nombreuses femmes du joug...

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