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Reviewed by:
  • Equality and Revolution. Women’s Rights in the Russian Empire, 1905-1917 by Rochelle Goldberg Ruthchild
  • Michel Tissier
Rochelle GOLDBERG RUTHCHILD.– Equality and Revolution. Women’s Rights in the Russian Empire, 1905-1917, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2010, 356 pages.

Le livre de Rochelle Goldberg Ruthchild couronne une vie de chercheuse consacrée à l’étude de la lutte pour l’égalité des droits entre hommes et femmes en Russie. Son parcours a été notamment marqué par une thèse sur le « mouvement des femmes » en Russie entre 1859 et 1917, achevée au mitan des années 1970. Dans ces années-là, et donc dans l’effervescence des recherches pionnières sur l’histoire des femmes, furent publiés les travaux de Richard Stites (1976) et de Linda Edmondson (1984) qui continuent de faire référence sur le mouvement russe pour « l’émancipation » ou la « libération » des femmes à la charnière des XIXe et XXe siècles12. C’est en effet dans ces termes, davantage qu’à travers la notion de féminisme, que fut posée dans la société russe, entre tsarisme et révolution, la question de la place des femmes et des relations avec les hommes. R. Stites et L. Edmondson l’avaient justement montré. En quoi l’ouvrage de R. Goldberg Ruthchild vient-il renouveler cette historiographie?

L’auteur dit d’emblée sa dette envers les nombreuses historiennes, plus rarement les historiens, qui depuis les années 1970, aux États-Unis, en Europe occidentale et en Russie, ont fait de l’étude des femmes russes un champ historique très riche. Elle n’en constate pas moins, cependant, le relatif isolement de ce domaine par rapport à l’ensemble des recherches sur la Russie. Elle regrette notamment la difficulté [End Page 171] rencontrée par les spécialistes qui recourent à la problématique du genre pour infléchir les travaux sur l’histoire de la Russie révolutionnaire dont la plupart continuent à discuter de groupes comme « les paysans, les prolétaires, les intellectuels, les membres des professions » comme s’il s’agissait uniquement d’hommes (p. 240-241, et particulièrement p. 212-213 et 219, au sujet du rôle des femmes dans le récit des événements de 1917).

Si R. Goldberg Ruthchild prend le contre-pied de cette attitude, c’est pour chercher, de façon plus large, à réexaminer les principaux enjeux de la période allant de la révolution de 1905-1906 jusqu’à la prise du pouvoir par les bolcheviks. Partant du constat que la Russie a été un des premiers pays au monde à proclamer l’égalité des droits politiques entre hommes et femmes, son ouvrage n’est pas seulement un livre sur l’histoire des femmes, ou sur l’histoire du féminisme et de ses avatars russes. C’est aussi une relecture de l’histoire politique et sociale de la Russie révolutionnaire. Le cœur de ce travail est l’idée que le combat pour obtenir le droit de suffrage des femmes a non seulement eu une grande importance dans les luttes menées à l’époque pour transformer la place des femmes dans la société russe, mais qu’il a aussi contribué de façon décisive à la dynamique révolutionnaire dans la période 1905-1917.

Selon l’auteur, les historiennes et historiens ont jusque-là appréhendé la question du suffrage uniquement comme un projet de réforme d’ordre institutionnel et en ont minimisé la portée pour les femmes russes de l’époque, considérant que les aspirations de ces dernières auraient été majoritairement étrangères à un mot d’ordre soutenu seulement par une minorité issue des milieux privilégiés (p. 6-7). L’ouvrage conteste cette appréciation et vise, par contraste, à effectuer une triple opération : montrer le caractère large, et même consensuel, de la mobilisation politique et sociale en faveur des droits politiques des femmes, notamment en réinterprétant le sens des divergences stratégiques évidentes entre militantes et militants de différentes tendances ; retracer l’évolution politique, idéologique et sociale qui...

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