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  • Les Femmes savantes, lettrées et cultivées dans la littérature française des Lumières, ou la conquête d’une légitimité (1690-1804), 2 by Adeline Gargam
  • Isabelle Brouard-Arends (bio)
Les Femmes savantes, lettrées et cultivées dans la littérature française des Lumières, ou la conquête d’une légitimité (1690-1804), 2 vols., par Adeline Gargam Paris: Honoré Champion, 2014. 1604pp. €195. ISBN 978-2-7453-2564-8.

Soulignons tout d’abord que l’ouvrage d’Adeline Gargam s’inscrit dans la lignée des apports scientifiques considérables de ces dernières années sur la connaissance des femmes des Lumières. La récente publication du Dictionnaire des femmes des Lumières, sous la direction de H. Krief et V. André en est une manifestation éclairante. Gargam y a contribué par maints articles qui sont documentés à partir des recherches initiées dans son travail de thèse édité ici par Champion. L’originalité et l’intérêt de cette étude sont d’associer les « femmes savantes » avec les « femmes lettrées » et « cultivées » permettant d’ouvrir ainsi un large panorama de l’activité féminine pendant les Lumières en mettant en évidence leur similarité et leur complémentarité. L’expression « Femmes savantes », utilisée dans le titre, dont la connotation comique propre à la tradition moliéresque pourrait être restrictive, s’attache, en réalité, à analyser les femmes lettrées et scientifiques qui écrivent et traduisent ou se livrent à des calculs, des expériences et des démonstrations scientifiques de haut niveau. S’y ajoutent les « femmes cultivées », qui, grâce à leur appétit de savoir, entretiennent avec la culture une relation personnelle forte et continue. Enfin, l’emploi des termes « conquête » et « légitimité » traduit avec pertinence la lente et délicate progression intellectuelle et sociale des femmes dans une société française encore peu encline à leur reconnaissance. Le corpus construit à partir de plus de six cents textes du xviiie siècle s’attache à circonscrire la res literaria avec l’objectif réussi de faire éclater les genres et de regrouper littérature et science. La chronologie étendue, 1690-1804, se justifie par le souci de considérer deux inflexions décisives: le tournant épistémologique qui, sous l’impulsion de John Locke, a modifié le discours anthropologique sur la femme et les effets de la période révolutionnaire.

L’ouvrage est articulé autour de trois grandes parties. La première intitulée « Les femmes savantes, lettrées et cultivées: approches littéraire, historique et sociologique », axée sur l’accès des femmes au savoir, la diversité de leurs rôles intellectuels et des milieux dans lesquels elles se forment et évoluent, permet de comprendre leur différence et leur caractère protéiforme. Elle a aussi le grand mérite de rompre avec les discours reçus, notamment celui du peu d’importance quantitative des femmes auteurs, contredisant ainsi les propos de R. Darnton sur la faible présence des femmes dans la production littéraire (voir, Gens de lettres et gens du livre, chap. 5, « Le grand massacre des chats », § 4). Avec ses [End Page 742] 531 noms recensés dans son étude, « Les femmes auteurs représentent donc au temps des Lumières une réalité humaine d’une grande ampleur quantitative. Leur nombre dénote un phénomène social et littéraire trop longtemps mésestimé » (188). Notons qu’Adeline Gargam n’hésite pas à reprendre des jugements établis pour les nuancer voire les rectifier, documents à l’appui, comme elle l’a fait dans l’exemple précédemment cité, permettant ainsi des avancées scientifiques utiles. Il faut saluer l’énorme travail de dépouillement accompli. Pour appuyer ses propos, l’auteur établit ainsi une typologie des femmes de lettres et de sciences, dresse des tableaux qui témoignent de son degré d’investigation et de son souci d’exhaustivité: voir parmi d’autres, le tableau n° 1: « Herboristes et femmes à secrets à Paris pour l’année 1776 » (95). Il est suivi par le tableau 2 des « Rem...

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