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  • La Suisse et la guerre d’indépendance algérienne, 1954-1962 by Damien Caron
  • Andrea Brazzoduro
Damien Caron La Suisse et la guerre d’indépendance algérienne, 1954-1962 Lausanne, Éd. Antipodes, 2013, 495 p.

« Berne, été 1954. La Coupe du monde de football, qui verra l’équipe de la République fédérale d’Allemagne remporter la finale contre le Onze d’or hongrois, bat son plein. Descendu à l’hôtel Simplon, à deux pas de la gare, un groupe de ressortissants algériens tient des réunions secrètes. Leurs rencontres se renouvelleront les mois suivants. Les inspecteurs de la police fédérale, qui observent leurs allées et venues en vieille ville, ne saisissent pas la raison de leur présence ni, ne maîtrisant pas l’arabe, le contenu de leurs propos. Le moment est pourtant capital. Ce n’est rien de moins que la décision de déclencher l’insurrection qui est prise » (p. 11). L’ouvrage de Damien Caron s’ouvre ainsi avec le rythme d’un polar, qui ne manque pas de rappeler à certains Le petit soldat de Jean-Luc Godard (1960), dans lequel Bruno Forestier – français, déserteur et membre de l’Organisation armée secrète (Oas) – doit tuer un journaliste proche du Front de libération nationale (Fln), en 1958, à Genève.

Il ne faut pas s’y tromper. Chercheur « calme de tempérament » (l’expression est de Pierre Vidal-Naquet, cité en exergue), D. Caron livre ici un travail minutieux d’histoire des relations internationales. Tiré de sa thèse et enrichi par une longue fréquentation des Archives fédérales (au sein de l’équipe des Documents diplomatiques suisses), l’ouvrage s’inscrit à plein titre dans le processus d’internationalisation que connaît l’historiographie de la guerre d’Indépendance algérienne depuis quelques années. [End Page 293]

Si la production scientifique algérienne a commencé à être prise en compte à partir de la seconde moitié des années 19901, l’approche franco-algérienne dominante a été délaissée à partir des années 2000 et le conflit a été progressivement resitué dans sa véritable dimension méditerranéenne, internationale et, finalement, globale2. Dans cette perspective, l’ambition de l’auteur est double. Il s’agit, d’un côté, de combler un vide historiographique, la Suisse manquant « au tableau des ouvrages consacrés à l’impact du conflit sur les pays partenaires de la France », de l’autre, d’étudier plus précisément, par la consultation des « papiers d’État », les répercussions directes et indirectes de la guerre d’Indépendance algérienne sur les autorités suisses (p. 447).

L’auteur remplit son objectif grâce à une vaste mobilisation de sources, suisses mais aussi françaises et algériennes. À côté des documents diplomatiques officiels, sources premières de l’enquête, sont exploités entretiens, mémoires et archives privées provenant des trois pays. Cette approche permet d’apprécier la manière dont la Suisse a été perçue et instrumentalisée par les belligérants, un aspect particulièrement novateur du travail de D. Caron.

Le livre se développe suivant une scansion chronologique classique, organisée en trois parties: la première va de l’avant-guerre au déclenchement de l’insurrection; la deuxième commence par la crise de Suez et court jusqu’en 1960; la troisième se focalise sur l’engagement progressif de la Suisse dans les pourparlers franco-algériens jusqu’aux accords d’Évian. À cette scansion, qui suit l’évolution générale de l’attitude des autorités suisses, trois thématiques majeures font contrepoint de manière transversale: les Algériens en Suisse, la colonie suisse en Algérie et les Suisses dans la Légion étrangère.

La première partie s’ouvre par un chapitre que l’auteur définit comme « structurel »: y sont étudiés en détail les Suisses présents en Algérie, colons et légionnaires, au regard de leur provenance cantonale, de leur appartenance sociale, de leur département alg...

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