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  • Comprendre le génocide des Arméniens. 1915 à nos jours by Hamit Bozarslan, Vincent Duclert and Raymond H. Kévorkian
  • Erdal Kaynar
Hamit Bozarslan, Vincent Duclert et Raymond H. Kévorkian Comprendre le génocide des Arméniens. 1915 à nos jours Paris, Tallandier, 2015, 489 p.

Ce livre regroupe les travaux de trois historiens français connus pour leur engagement dans l’étude du génocide arménien. Il présente un aperçu de l’événement et de sa réception, ainsi que les interprétations que les auteurs en proposent. La première partie est due à Raymond Kévorkian, auteur d’une monographie monumentale sur le génocide qui, par son attention aux détails et l’utilisation extensive des sources, a marqué un tournant dans l’historiographie ottomane1. Celui-ci résume les principaux résultats de ses recherches dans des chapitres succincts et bien organisés. En insistant sur les antécédents du génocide, il montre que l’événement s’inscrivait dans une histoire des violences anti-arméniennes, tolérées, voire organisées, par l’État central depuis les massacres hamidiens de 1895, préparant ainsi le terrain pour un programme systématique d’extermination.

L’analyse de l’événement lui-même révèle l’apport des connaissances encyclopédiques de l’auteur. R. Kévorkian décrit d’abord comment le gouvernement du Comité Union et Progrès (Cup) mobilisait son organisation paramilitaire Teşkilat-ı Mahsusa (Organisation spéciale) et mettait en place des dispositifs administratifs pour permettre la stigmatisation officielle d’une population entière. Il analyse ensuite le déploiement du génocide en deux étapes. Dans la première (printemps-été 1915), le gouvernement unioniste déplace la population arménienne de l’Anatolie pour la déporter dans le désert de la Syrie et du Nord de la Mésopotamie. La seconde, entre l’hiver 1915 et l’été 1916, se rapporte à la question des survivants des déportations: une politique de massacres systématiques ciblait les déportés confinés dans des camps d’internement. Le bilan démographique est net: la politique de déportation et d’extermination mit un terme à l’existence des Arméniens dans leurs terres historiques.

Dans la deuxième partie, Hamit Bozarslan s’attache surtout à interpréter l’univers intellectuel des membres dirigeants du Cup en tant qu’instigateurs du génocide. En parallèle, il propose d’inscrire le génocide arménien dans l’histoire longue, soutenant que le régime unioniste anticipait « les modèles européens de ‘révolutions nationalistes’ » incarnés par l’Italie fasciste et le IIIe Reich (p. 139). Cependant, au lieu de s’engager dans un véritable comparatisme, l’auteur se contente d’établir, pratiquement à chaque page, d’innombrables analogies avec le nazisme. En fait, cette tentative d’inscrire le génocide arménien dans le temps long lui sert surtout à appuyer ses interprétations de l’unionisme, en particulier les logiques organisationnelles et les modes de rationalisation du Cup.

H. Bozarslan présente les unionistes comme les héritiers de la politique anti-arménienne du sultan Abdülhamid II, pour qui les Arméniens représentaient une menace potentielle à l’intégrité de l’empire ottoman. Chez eux, la notion de « trahison » prit un nouveau sens. H. Bozarslan explique cela à travers deux volets entrelacés. Premièrement, il s’intéresse [End Page 291] au contenu idéologique de l’unionisme. Pour lui, cette idéologie, marquée par le darwinisme social, le matérialisme biologique et des concepts racistes, érigeait l’idée d’une nation homogène turque et musulmane comme un idéal à atteindre et définissait l’existence même des éléments non conformes comme une menace existentielle. Deuxièmement, il s’intéresse au sens organisationnel et aux modes d’action et de légitimation des unionistes, qu’il résume sous le nom de comitadjilik, défini comme un dévouement inconditionnel à la patrie et, dans un sens sectaire, une loyauté envers l’organisation incarnant sa cause, c...

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