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  • Les chantiers de jeunesse. Avoir 20 ans sous Pétain by Olivier Faron
  • Daniel Lee
Olivier Faron Les chantiers de jeunesse. Avoir 20 ans sous Pétain Paris, B. Grasset, 2011, 373 p.

Dans cette étude érudite et documentée, Olivier Faron retrace l’histoire des Chantiers de la jeunesse française (Cjf), une organisation fondée par le régime de Vichy dans les jours qui suivirent l’armistice. Si les Cjf ont déjà été étudiés par d’autres historiens, O. Faron offre la première histoire complète du mouvement depuis sa création jusqu’à nos jours1. Pour le gouvernement de Vichy, les Cjf étaient l’équivalent du service militaire, lequel fut aboli par l’armistice. Placés sous le contrôle de l’ancien commissaire scout, le général Joseph de La Porte du Theil, les Cjf devaient être l’incarnation de la révolution nationale voulue par Vichy. À l’âge de vingt ans, les jeunes hommes qui résidaient dans la zone non occupée étaient envoyés loin de leurs familles pour entreprendre un service obligatoire de huit mois. Disséminés dans les communes rurales ainsi qu’en Afrique du Nord, ils se voyaient enseigner les valeurs de la vie ainsi que le travail communautaire, l’hygiène, la camaraderie et le respect pour l’autorité.

La mémoire des Cjf est loin d’être simple. Selon certains historiens, il y a très peu de distinctions à faire entre cette organisation et les autres mouvements pétainistes de l’époque. D’autres la décrivent comme un terreau fertile pour la Résistance ou comme une armée secrète de revanche. L’originalité et la pertinence du travail d’O. Faron tiennent au fait qu’il ne privilégie ni l’une ni l’autre de ces hypothèses. Adoptant une vision non partisane, l’auteur essaye d’aborder ces questions d’une manière plus subtile, enquêtant sur l’expérience collective des Cjf dans une perspective qui englobe aussi bien l’autorité que la base. L’une de ses contributions majeures est la réévaluation de la position du général de La Porte du Theil. En effet, après l’Occupation, la réputation de ce dernier fut protégée grâce au prononcé d’un non-lieu par la Haute Cour de justice, véritable « acquittement » selon la ligne officielle des anciens des Cjf. Contrairement aux études précédentes, O. Faron dépeint le général comme un chef extrêmement présent, qui exerça un contrôle direct à chaque niveau de l’organisation et pour qui la propagande a joué un rôle décisif.

L’un des moments les plus captivants du livre est l’analyse des interactions entre de La Porte du Theil, l’école d’Uriage et son chef, Pierre Dunoyer de Segonzac. Bien que l’école d’Uriage ait été créée dans le but de former les jeunes des Cjf, O. Faron montre que, à partir de janvier 1941, ceux-ci ne les y envoyaient plus. De La Porte du Theil avait des doutes sur l’école d’Uriage qui, selon lui, encourageait la liberté individuelle et la liberté de pensée au détriment de l’obéissance à l’autorité. De la même façon, l’auteur montre à quel point le général a essayé de transmettre une certaine moralité chrétienne à la jeunesse française. Par exemple, il fit en sorte que les maisons closes situées à proximité de groupements interdisent l’entrée aux jeunes des Cjf. De plus, l’esprit catholique était au cœur de leur mission et devait être transmis par un nouveau type d’aumôniers qui, contrairement à l’aumônier militaire, était un jeune homme ayant l’expérience des mouvements de jeunesse. En analysant les lettres envoyées par les jeunes à [End Page 289] leurs foyers, O. Faron remarque que ce projet catholique se traduisait par un nombre croissant de baptêmes et de premières communions dans les Cjf.

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