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Reviewed by:
  • La catastrophe allemande, 1914-1945. 1 674 destins parlementaires by Nicolas Patin
  • Marc Olivier Baruch
Nicolas Patin La catastrophe allemande, 1914-1945. 1 674 destins parlementaires Paris, Fayard, 2014, 334 p.

Commençons par un syllogisme. Majeure: le bon historien n’est pas téléologue; mineure: Nicolas Patin est un bon historien; conclusion: Nicolas Patin ne pratique pas la téléologie. Comment donc ne pas s’étonner de ce que, issu de la thèse qu’il a soutenue sous le titre « La guerre au Reichstag. Expériences de guerre et imaginaires politiques des députés sous la République de Weimar, 1914-1933 », le livre qu’en ont tiré les éditions Fayard s’intitule La catastrophe allemande, 1914-1945 et ait pour couverture un montage où, fondues, s’entremêlent dans des teintes rouge foncé une photo du Reichstag en flammes et la stylisation d’une croix gammée? Changement de titre – avec ce troublant clin d’œil à l’ouvrage de Friedrich Meinecke, Die deutsche Katastrophe (1946), vestige d’une historiographie aujourd’hui [End Page 285] évidemment périmée–, changement de période de référence et, plus grave, symbolisé par l’image de couverture, changement de sens, dont la finalité se veut sans doute commerciale mais dont l’effet nous semble d’abord téléologique.

S’intéresser au fonctionnement du parlementarisme sous la République de Weimar, c’est-à-dire entre 1919 et 1933, était le moteur du projet intellectuel poursuivi par N. Patin. Pour ce faire, celui-ci a accompli un travail prosopographique sur les 1 674 élus au Reichstag entre 1919 et 1932, lu les journaux, mémoires et souvenirs de 130 d’entre eux, analysé un échantillonnage des débats parlementaires de la période – travaux austères mais nécessaires dans sa perspective de recherche et que facilite la mise à disposition d’outils archivistiques en ligne: le portail des parlementaires (www.bioparl.de), les débats du Reichstag (www.reichstagsprotokolle.de), la base de données des députés allemands (www.reichstag-abgeordnetendatenbank.de).

Une part importante de la démonstration de l’auteur consiste à analyser les évolutions, dans la population comme dans la fonction parlementaires, entre le Reich wilhelminien et la République de Weimar, de sorte que la référence à 1914 va de soi. Elle va encore plus de soi dans la mesure où l’une des pistes qui sous-tend la réflexion de N. Patin réside dans l’application de la notion de culture de guerre, popularisée en France par les travaux de Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker notamment, au monde de la représentation parlementaire de Weimar. Que les nazis aient su instrumentaliser avec beaucoup d’habileté cette culture au point de vouloir faire croire qu’ils en étaient les détenteurs les plus légitimes est certain, mais ne suffit pas à lire l’évolution du parlementarisme allemand d’après 1919 comme la prémisse d’une « catastrophe allemande » conduisant au nazisme – d’autant que leur influence n’est forte au sein du Reichstag qu’à partir des élections de 1930, avant lesquelles ils plafonnent à moins de 3 % des suffrages.

On est de même peu convaincus par la prise en compte de la durée du IIIe Reich dans l’ouvrage. Même à considérer – comme peut légitimement le faire un éditeur soucieux de mettre en évidence des parallèles entre recherches historiques et attentes contemporaines – que l’ouvrage fournit de solides analyses sur la capacité de certains mouvements politiques à pervertir la démocratie de l’intérieur en retournant à leur profit ses instruments et ses codes, la démonstration perd sa cohérence et sa pertinence, après le vote, le 24 mars 1933, grâce à l’apport des voix du parti catholique Zentrum, de la loi des pleins pouvoirs – officiellement « édictée en vue de remédier à la détresse du peuple et du Reich » – qui transfère au chancelier le pouvoir législatif et qui resta en vigueur jusqu’à la disparition du IIIe Reich.

« Le Reichstag n’est plus [alors] qu’une salle de réunion pour...

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