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Reviewed by:
  • La Première Guerre mondiale ed. by Jay Winter
  • Victor Demiaux
Jay Winter (dir.) La Première Guerre mondiale, vol. 2, Annette Becker (coord.), États Paris, Fayard, 2014, 894 p. et 40 p. de pl.

Les vingt-quatre chapitres de ce deuxième volume envisagent le conflit sous un angle politique en interrogeant le rôle de l’État et de ses principaux acteurs (chefs d’États, parlements, diplomates, forces armées, etc.) dans la conduite de la guerre, dans la mobilisation des moyens mis en œuvre (logistique, finances, science, blocus), ainsi que dans la poursuite des objectifs qu’ils définissent (diplomatie de guerre, neutralité, construction de la paix). [End Page 263] Plus que dans la présentation d’une histoire politique au sens étroit, l’unité du volume tient dans sa manière d’aborder la guerre ellemême en tant qu’acte politique. Cette perspective large explique que bien des chapitres relèvent autant de l’histoire sociale, culturelle, économique ou militaire que politique stricto sensu (sur les ouvriers, les villes, les paysans, le moral, les prisonniers, etc.). Il est vrai que le processus de totalisation de la guerre et des moyens mis en œuvre pour la mener tendit à affecter progressivement le moindre aspect des sociétés belligérantes. On regrette seulement, eu égard à la diversité des thèmes abordés, que l’État lui-même reste l’angle mort de ce volume auquel il donne son nom. Le court et original texte que lui consacre Arndt Weinrich en fin de volume est avant tout un essai iconographique qui n’épuise pas ce qu’aurait pu être une réflexion sur l’évolution des contours, des modes d’intervention et des conceptions de l’État sous l’effet de la Grande Guerre.

Bien des thèmes classiques abordés ici n’ont certes pas connu de renouvellement historiographique majeur au cours des dernières années, ce qui n’ôte rien à la qualité et à l’utilité d’un instrument synthétisant un immense corpus de savoirs, dans des domaines d’ailleurs souvent peu pratiqués récemment par l’historiographie française de la Grande Guerre. Parmi plusieurs chapitres intéressants, on relève celui consacré par Richard Bessel à la « révolution », dans lequel le passage en revue des différentes configurations européennes permet avec force de mettre en évidence le rôle capital de la faim dans l’émergence et le développement des mouvements qui se développèrent, même de façon embryonnaire, chez presque tous les belligérants.

L’excellent chapitre de Heather Jones sur les prisonniers de guerre synthétise pour le public français la contribution majeure de l’auteure à cette question qu’elle avait étudiée dans sa thèse1. Dépassant les cas allemand, britannique et français, elle élargit le propos aux autres belligérants pour livrer un état complet des connaissances. Tout en montrant le franchissement de seuils de violence inédits dans le traitement des prisonniers de guerre en 1914-1918, elle souligne le caractère encore limité de cette violence par rapport à celle qui a été mise en œuvre au cours du second conflit mondial, notamment à l’Est. Signalons également l’article de Samuël Kruizinga sur le thème des neutres, objet depuis quelque temps d’intéressants renouvellements historiographiques. La neutralité, mesurée à l’aune des différentes raisons qu’un État pouvait avoir d’entrer dans la guerre et des conditions nécessaires à son maintien, y apparaît comme un phénomène dynamique dont l’étude montre qu’aucun espace n’échappa véritablement au champ magnétique de la Grande Guerre.

Plus que sous l’angle thématique, c’est au regard de l’ambition affichée de placer cette histoire de la Première Guerre mondiale sous le signe d’un « tournant transnational » que ce deuxième volume doit être interrogé. Jay Winter est à l’évidence la figure majeure de cette nouvelle manière d’écrire l’histoire du conflit. C’est en pionnier qu’il a ouvert ce sillon dès les années 1990 avec Entre deuil et mémoire...

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