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Reviewed by:
  • Le légitimisme en armes. Histoire d’une mobilisation internationale contre l’Unité italienne by Simon Sarlin
  • Caroline Douki
Simon Sarlin Le légitimisme en armes. Histoire d’une mobilisation internationale contre l’Unité italienne Rome, École française de Rome, 2013, 331 p.

Pour analyser les soutiens à la dynastie des Bourbons de Naples en exil et les mobilisations qui tentèrent de restaurer le royaume des Deux-Siciles, luttant jusqu’au dernier souffle contre l’Unité italienne, ce livre resserre la focale d’observation aux années 1860-1866. Dans ce moment charnière, où tout n’est pas aussi définitivement joué que ne l’écrira ensuite l’historiographie nationale et libérale, se déroule, au plus âpre, une lutte de légitimités et de modèles politiques: à l’intérieur de la péninsule, mais aussi à l’extérieur, sur une vaste scène européenne et méditerranéenne. Celle-ci oppose d’une part le souverain déchu, qui emmène une partie de ses partisans et quelques fragments de son appareil étatique dans un exil qu’il espère temporaire, et d’autre part un nouvel État-nation qui s’institutionnalise et accumule les reconnaissances internationales, tout en déployant au plus vite les instruments de sa souveraineté sur le territoire et les populations du Sud de la péninsule.

Nous sommes ici au cœur d’une question clé dans le processus d’unification de la société italienne et face à l’un des facteurs du rapport complexe qu’entretiennent encore les Italiens à l’État comme à la nation: l’intégration conflictuelle du Mezzogiorno au nouvel ensemble national, ponctuée, au cours de ces années fondatrices, de manifestations multiformes de [End Page 244] résistance des élites régionales et de rébellion populaire, que la nouvelle puissance publique réprima par la force démonstrative et coercitive du droit ou par la violence militaire. En reprenant cette question qui donna lieu, dès le déroulement des faits, à des historiographies combatives, Simon Sarlin veut montrer à quel point cette séquence de l’histoire italienne constitue en fait un chapitre d’une histoire transnationale bien plus vaste et multifactorielle, où s’entrelacent, dans le temps court d’une conjoncture politique agitée, des temporalités et des géographies très variées.

L’ouvrage éclaire la variété des motivations et des moyens mis en œuvre par ces mobilisations pro-bourboniennes, tout comme la diversité de leurs terrains d’action diplomatique, politique, culturelle ou militaire, imputable aux contraintes propres à une situation alliant exil et clandestinité. Le principal enjeu de ces mouvements est de parvenir à conjuguer des cadres d’influence et d’intervention en même temps transnationaux et fortement localisés. Transnationaux d’abord, parce que la politique portée par François II, qui a trouvé refuge dans la Rome pontificale, et par l’émigration légitimiste qui est, elle, dispersée dans plusieurs villes européennes, se retrouve comme déterritorialisée. Elle consiste à formuler des projets et des décisions, à chercher des appuis diplomatiques et militaires à distance de l’ancien territoire des Deux-Siciles, dans une position d’extrême dépendance à l’égard des politiques menées par de nombreux États (notamment l’État pontifical, l’empire d’Autriche, la France, l’Espagne, la Suisse ou le Royaume-Uni dont l’influence s’étend sur Malte et Corfou) qui poursuivent leurs propres objectifs géopolitiques, sans jamais négliger leurs principes de sécurité intérieure. C’est donc de manière évolutive qu’ils donnent ou non leur appui diplomatique ou financier, qu’ils accueillent les exilés ou tolèrent, plus ou moins bien, le passage des émissaires et de ceux qui, provenant des multiples réservoirs européens de forces contre-révolutionnaires, réactionnaires, catholiques intransigeantes, et formant une manière d’« Internationale blanche »1, sont prêts à se mettre au service de cette nouvelle cause légitimiste.

Ensuite, pour espérer réaliser les conditions d’une restauration dans le Sud de l’Italie, il faut aller au contact du terrain et trouver les moyens d’une action...

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