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Reviewed by:
  • Bonaparte et la République française d’Égypte by Juan Cole
  • Tami Sarfatti
Juan Cole Bonaparte et la République française d’Égypte trad. par P. Pignarre, Paris, La Découverte, [2007] 2014, 334 p.

Définir la bonne distance à laquelle observer, décrire et analyser l’objet de sa recherche est souvent la première difficulté à laquelle l’historien est confronté. Il lui faut trouver le moyen de traiter de questions de vaste portée sans perdre de vue les individus et la situation historique concrète dans laquelle ils ont évolué. Dans le même temps, il doit s’efforcer d’intégrer des histoires individuelles à son récit en tenant compte des problématiques d’ensemble et sans, pour autant, laisser penser que les récits individuels sont emblématiques de l’époque ou de la société dont ils émanent. Le défi n’en est que plus grand lorsque l’un des protagonistes est Napoléon Bonaparte, une figure majeure souvent considérée comme ayant fait l’histoire de son temps, et qu’elle est consacrée à un sujet considéré par Edward Said comme la pierre angulaire de l’orientalisme. Avec cet ouvrage, qui retrace l’invasion française de 1798 et la tentative de gouverner l’Égypte, Juan Cole réussit partiellement à le relever.

Historien du Moyen-Orient, arabophone et francophone, J. Cole connaît mieux l’Égypte ottomane de la fin du xviiie siècle que la France. Il entreprend d’écrire une histoire de la rencontre inégale qui eut lieu en 1798 entre [End Page 235] les Français et les Égyptiens. J. Cole voit dans l’invasion française le point de départ d’une longue histoire de l’impérialisme occidental dans le monde musulman, la première manifestation d’une série d’entreprises menées par des États impérialistes sous couvert d’une rhétorique de libération, dont le dernier maillon – l’invasion de l’Irak par les États-Unis – est contemporain de la rédaction de l’ouvrage. L’auteur puise les histoires individuelles qu’il intègre à son travail dans les lettres et les journaux écrits par des acteurs français de l’invasion et dans les mémoires rédigées et façonnées par les participants a posteriori, ainsi que dans les récits du chroniqueur Abd al-Rahman al-Jabarti et, dans une moindre mesure, de l’érudit d’origine syrienne Niqula al-Turk. Son projet, qualifié d’« histoire des mentalités » dans l’édition anglaise, d’« histoire culturelle » dans l’édition française, consiste à étudier l’image que les Français se sont forgée des Égyptiens et vice versa, afin de mieux comprendre l’interaction des idées et des représentations du monde propres aux deux parties.

Le livre débute avec le rassemblement des forces françaises à Toulon en mai 1798 et progresse, de manière plus ou moins chronologique, pour se terminer par une allusion à la campagne de Syrie (février-14 juin 1799), à la bataille d’Aboukir (25 juillet 1799) et au départ de Bonaparte pour la France (23 août 1799). Cette chronologie est quelque peu trompeuse quant à la période que couvre l’ouvrage, qui est essentiellement la description détaillée des trois premiers mois de la présence française dans le pays. En effet, l’auteur n’aborde pas les deux années qui suivirent le départ de Bonaparte, si bien que l’objectif qu’il s’était fixé se trouve de fait presque impossible à atteindre.

Le traitement de ces deux années, en particulier les derniers quatorze mois, alors que les forces françaises sont sous la direction du général Jacques Menou – certainement le personnage le plus attaché à la vision d’une colonie française permanente en Égypte –, aurait été l’occasion d’aller au-delà de la phase initiale d’occupation du pays et des premières impressions qu’elle suscita, et d’écrire une véritable histoire culturelle de ce choc aux multiples facettes. Mais J. Cole ne semble pas vraiment intéress...

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