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Reviewed by:
  • La violence, une histoire sociale. France, XVIe-XVIIIe siècles by Michel Nassiet
  • Diane Roussel
Michel Nassiet La violence, une histoire sociale. France, xvie-xviiie siècles Seyssel, Champ Vallon, 2011, 377 p.

Si les études convergent pour décrire le phénomène global d’une baisse spectaculaire de la violence homicide en Occident de la fin du Moyen Âge à nos jours, les explications de ce processus séculaire font largement débat. L’ouvrage de Michel Nassiet y contribue en proposant une théorie alternative à celle, bien établie, du processus de « civilisation des mœurs ». Contestant en particulier le point sans doute le plus faible – et désormais largement amendé par les historiens – de l’hypothèse élaborée dans les années 1930 par Norbert Élias, celui de la violence comme « pulsion » individuelle spontanée, l’auteur remet en cause les inter-prétations historiques fondées sur ces travaux. Le titre du livre expose clairement la thèse: parce que la violence était avant tout un phénomène social, c’est dans l’affaiblissement de ses causes sociales au cours de l’époque moderne que réside l’explication du lent déclin de la violence homicide. Le nouveau paradigme explicatif proposé, fondé sur la sociologie d’Émile Durkheim, lie le recul de la violence homicide à l’émergence de la notion de personne et à la montée de l’individu. Le projet de M. Nassiet, important et ambitieux, est celui d’une anthropologie historique qui relie violence, honneur et parenté de la fin du xve au xviiie siècle, mais qui privilégie largement l’étude du xvie siècle. Plus précisément, il propose d’éclairer le déclin de la violence sanglante à la lumière d’un autre processus de longue durée, celui de l’individuation et de l’émancipation de l’individu à l’égard des contraintes collectives, et particulièrement de l’honneur, qui résulte de la modification des rapports de parenté au cours de l’époque moderne.

La première partie de l’ouvrage est bâtie sur l’analyse d’un important corpus de lettres de rémission utilisées pour identifier la place et les mécanismes de la violence dans la société française du xvie siècle. Ces sources désormais « classiques » font cependant l’objet d’une analyse méthodologique serrée et renouvelée, qui rappelle combien les conditions de la requête par les suppliants et celles de l’octroi de la grâce royale déterminent la variation de leur nombre et la vraisemblance de leur contenu. L’homicide pardonné était l’aboutissement d’une longue séquence dramatique et d’une ritualisation bien connue. Pour l’auteur, la volonté de tuer et la dramatisation des affrontements par les cris rituels de vengeance et les menaces publiques qui précèdent le combat prouvent la capacité d’autocontrôle des hommes du xvie siècle. Plus que la rixe sanglante, c’est le duel qui est particulièrement étudié. Avec en moyenne quatre-vingt-cinq homicides par an durant les années 1640, ce phénomène est certes minoritaire mais « extrêmement élevé » rapporté à la population noble (p. 119). S’il a accru les niveaux de la violence sanglante, le long essor du duel de point d’honneur apparaît comme le raffinement ultime de la codification des gestes violents, qui s’est diffusé dans l’ensemble du corps social.

L’auteur s’attache ensuite à décrire, à la suite de Stuart Carroll, le « système vindicatoire » qui prévalait dans la France du xvie siècle. Parce qu’il était alors plus important que la vie, l’honneur donnait lieu à un large ensemble de comportements parmi lesquels la faide – relation hostile entre deux groupes, souvent de parenté, liée à des enjeux d’honneur – répondait à « l’impérieuse nécessité de rétablir entre [les combats] un équilibre des homicides » (p. 129). Bien qu’interdite au cours du xvie siècle par le pouvoir royal, la pratique perdure car elle continue d’être considér...

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