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Reviewed by:
  • Une guerre civile. Affrontements religieux et militaires dans le Midi toulousain, 1562-1596 by Pierre-Jean Souriac
  • Jérémie Foa
Pierre-Jean Souriac Une guerre civile. Affrontements religieux et militaires dans le Midi toulousain, 1562-1596 Seyssel, Champ Vallon, 2008, 441 p.

Ces deux dernières décennies, l’histoire militaire et celle des guerres de Religion ont, en parallèle, bénéficié d’aggiornamenti décisifs sans jamais véritablement se croiser. Cette rencontre fait tout l’intérêt du livre de Pierre-Jean Souriac, qui centre sa réflexion sur la notion d’« effort de guerre » en Midi toulousain. L’auteur s’interroge en particulier sur les « espaces décisionnels » de la guerre et le poids, notamment économique, de la guerre sur la société méridionale. On peut retenir, parmi d’autres, trois apports importants de ce livre dense: une chronologie inédite du déroulement des guerres civiles, la mise au jour de déterminismes financiers et une redéfinition subtile du sens de « guerre civile ».

Entre 1562 et 1573, ce qui correspond au premier temps de la chronologie établie, la guerre peut être qualifiée de « traditionnelle »: le Midi toulousain s’investit, militairement et financièrement, dans une cause dont il est le théâtre davantage que l’acteur. Les décisions qui sont prises le sont par d’autres instances que les seules autorités locales. C’est le temps des grands « chefs de guerre »: Henri de Montmorency-Damville, Blaise de Monluc et Henri de Joyeuse du côté catholique; Gaspard de Coligny ou Gabriel de Montgomery du côté protestant. C’est le temps des hommes du roi, lieutenants-généraux et gouverneurs, mais aussi du parlement de Toulouse qui sert de courroie de transmission administrative. Grâce à ses liens clientélaires parmi la gentilhommerie locale, à sa production réglementaire, celui-ci organise la levée des troupes et ordonne les impositions. Du point de vue de leur commandement, leur financement et leur « rapport à la société civile », les armées méridionales sont ainsi calquées sur un « modèle royal » (mis en lumière par James Wood1) qui atteste une confiance presque aveugle dans la capacité de ces « grandes armées » (5 000 voire 10 000 hommes) à venir à bout de l’adversaire. Cet espoir est rapidement déçu: au Nord comme au Sud, l’affrontement n’est jamais décisif et les résultats obtenus font pâle figure au regard des ressources investies.

Dans un deuxième temps, entre 1573 et 1585, s’ouvre la phase du « repli local »: lieutenants et parlement du roi perdent la main au profit des « commandants de pays » et des municipalités qui s’organisent en autogestion militaire. S’ensuit un morcellement du théâtre de la guerre, éclaté en d’innombrables lignes de défense se faisant face sans jamais s’attaquer. Ce règne de la « petite guerre », coûteuse et inefficace, débouche sur une crise de la guerre elle-même, caractérisée par un fort endettement, une réaction contre les exactions militaires et une crise de la mobilisation. La troisième période, entre 1585 et 1596, voit alors un retour de l’échelon provincial dans l’encadrement des conflits. Les gouverneurs, Montmorency et Joyeuse en tête, reviennent sur le devant de la scène en collaboration avec les états provinciaux. En résulte une revalorisation de la pratique militaire, une augmentation de la taille des armées et de la durée des campagnes, qui favorisent le retour au calme et précèdent l’édit de Nantes.

Si les années 1560 sont celles de la guerre du roi, avec Henri III, le Midi toulousain se désengage de la fiscalité royale (décharges, confiscations ou détournements) pour ne financer que des opérations d’envergure locale. L’auteur analyse avec minutie les comptes et les modalités de prise de décision au sein d’institutions mal connues, pourtant essentielles, tels les « diocèses civils » qui organisent la captation des ressources fiscales au profit de la mise en défense locale et précipitent la « militarisation...

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