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Reviewed by:
  • Holy War, Martyrdom, and Terror: Christianity, Violence, and the West, ca. 70 C.E. to the Iraq War by Philippe Buc
  • Benjamin Weber
Philippe Buc Holy War, Martyrdom, and Terror: Christianity, Violence, and the West, ca. 70 c.e. to the Iraq War Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2015, viii- 445 p.

Connu pour ses travaux sur les dimensions politiques et sociales de la pratique religieuse au Moyen Âge, en particulier pour son livre sur les rituels médiévaux1, Philippe Buc s’est intéressé aux questions de guerre sainte à l’occasion des discours empreints de religiosité qui ont entouré les guerres en Afghanistan et en Irak. Cette genèse, revendiquée dès la préface, n’est pas anecdotique puisqu’elle dirige le fond comme la forme de l’ouvrage. Plutôt qu’une monographie de plus sur la guerre sainte ou l’idée de croisade, cet essai se propose d’ouvrir des réflexions sur les relations étroites entretenues entre le christianisme et la violence, de l’Antiquité à nos jours.

Face au scepticisme que pourrait soulever cet ambitieux projet, l’introduction prend le temps de répondre aux critiques. Le christianisme ne doit pas être considéré comme la seule cause de la violence, ni la religion comme le moteur unique de l’action des hommes. Il faut cependant « prendre la religion très au sérieux » (p. 7 et 12), l’isoler des autres facteurs à la manière d’une « expérience de laboratoire » (p. 288) pour mieux mettre en valeur son rôle dans les manifestations de violence au cours du temps. L’inscription dans le temps long et le non-respect intentionnel de la chronologie visent à éclairer le présent par la référence au passé, en postulant la permanence des racines chrétiennes dans le monde moderne et donc l’importance d’analyser en termes religieux l’idéologie d’une violence pourtant sécularisée.

P. Buc commence par identifier six caractéristiques de la guerre aux États-Unis depuis l’indépendance pour montrer que chacune se retrouve dans la longue durée des guerres chrétiennes: une guerre purificatrice, universelle, sans merci, menée au nom de la liberté, qui produit des héros et des martyrs, et s’inscrit dans une logique de l’histoire perçue comme inéluctable. Pour saisir cette permanence, il faut se départir de l’idée d’un pacifisme intégral du christianisme, ponctuellement « corrompu » par des apports extérieurs, nécessités de l’État ou hérésies. Un courant, certes minoritaire, a toujours été favorable à l’usage de la force et à une exégèse plus littérale qu’allégorique des passages bibliques les plus violents. La réforme grégorienne ou la Terreur révolutionnaire illustrent l’importance de ce lien entre réforme et usage de la force, entre violence et pureté religieuse. La violence individuelle – le terrorisme et le martyre – ne peut non plus s’expliquer simplement par la folie: le troisième chapitre est consacré à montrer la permanence et les limites de ces conceptions, depuis le combat des Lumières contre le fanatisme jusqu’aux discours de la psychologie collective sur les membres de la Fraction Armée rouge (Raf) dans les années 1960, en passant par la description des Zélotes par Flavius Josèphe.

Au contraire, la logique de la violence doit s’appréhender avec son corollaire, la purification de la société mais aussi de soi-même et donc la permanence de la figure du martyr. À travers les exemples de John Brown (qui tenta de fomenter une révolte d’esclaves en Virginie en 1849), de Nikolai Boukharine (victime des procès de Moscou en 1948) et de la première croisade lue par le chroniqueur Raymond d’Aguilers, l’auteur montre que cette violence purificatrice est toujours perçue comme l’œuvre [End Page 197] d’une élite qui fait progresser la société entière par le sacrifice, de soi comme des autres. La violence est alors étroitement liée à une attente eschatologique: la clémence et la retenue...

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