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  • Films sans images: une histoire des scénarios non réalisés de ‘La Condition humaine’ by Jean-Louis Jeannelle
  • Joël Loehr
Films sans images: une histoire des scénarios non réalisés de ‘La Condition humaine’. Par Jean-Louis Jeannelle. (Poétique.) Paris: Seuil, 2015. 752 pp., ill.

Dans Seuils (Paris: Seuil, 1987) Gérard Genette soulignait la ‘symétrie passablement apocryphe’ (p. 67) que suggèrent les traductions anglaises des titres des deux plus grands romans de Malraux: Mans Fate et Mans Hope. La rédaction de LEspoir (Paris: Gallimard, 1937) fut presque immédiatement suivie par la réalisation de Sierra de Teruel (dir. par Malraux et Boris Peskine, 1939); la publication de La Condition humaine, en 1933, aurait pu l’être par une adaptation à l’écran, et cela dès 1934, puisque Malraux lui-même y travailla alors avec Eisenstein. C’est à cet irréel du passé, tout au long du siècle dernier, et même, en fin de parcours, au potentiel du présent, que cet ouvrage est consacré: un Mans Fate aurait pu en effet se trouver réalisé par Costa-Gavras ou même par Sergio Leone, qui y a songé; Alain Delon, qui en avait exprimé le désir en 1966, aurait pu incarner Kyo; en 2001, le nom de ce même Alain Delon, mais aussi ceux de Johnny Depp et de John Malkovich sont annoncés par Michael Cimino; et Lou Ye n’a pas à ce jour renoncé au projet qu’il nourrit depuis quelques années déjà. Aucun des multiples scénarios que le roman de Malraux a suscités n’a cependant abouti à un film. Le paradoxe est que le passage à l’écran semble avoir été compliqué par le fait que La Condition humaine emprunte précisément nombre de ses techniques narratives à l’écriture filmique (‘montage cut’, ‘crossing up’, etc.). D’autres raisons, d’ordres très divers, peuvent être invoquées: les circonstances politiques ou des obstacles financiers, mais aussi l’opacité des références historiques ou encore la complexité de l’intrigue et le manque de relief ou de place de tels ou tels personnages (féminins notamment). L’ouvrage de Jean-Louis Jeannelle permet de les passer en revue en même temps qu’il montre comment les scénarios qu’il étudie (pour certains dans le détail) ont tenté de remédier aux ‘défauts’ du roman. Mais, au fond, ce qui intéresse Jeannelle, qui s’est fait connaître notamment par ses travaux de génétique textuelle, c’est moins de répertorier les raisons de ces échecs à répétition que, d’une part, de conférer au scénario ce qu’il nomme un ‘statut opéral’ (des scénarios sont donnés en annexe), et d’autre part d’interroger les capacités de métamorphose (pour reprendre le terme clef de toute l’esthétique de Malraux) d’un roman qui aurait pu donner à voir au cinéma bien des Conditions humaines. L’un des intérêts majeurs de cet ouvrage est ainsi qu’il apporte une contribution originale à ce que l’on pourrait appeler une ‘poétique des possibles’, qui permet de prendre la mesure des textes (ou des scénarios donc) virtuels, filigranés ou fantômes, qu’un roman contient en réserve ou en puissance. On comprend qu’après que ses propositions d’ordre théorique eurent été condensées dans un article publié dans la revue dirigée par Michel Charles (‘Pour une étude des inadaptations’, Poétique, 173 (2013), 47–61), l’ouvrage de Jeannelle ait été accueilli dans la collection du même nom dirigée par Genette. [End Page 287]

Joël Loehr
Université de Bourgogne / Sichuan International Studies University, Chongqing
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