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Reviewed by:
  • Paris and the Spirit of 1919: Consumer Struggles, Transnationalism, and Revolution by Tyler Stovall
  • Marie-Emmanuelle Chessel
Tyler Stovall Paris and the Spirit of 1919: Consumer Struggles, Transnationalism, and Revolution Cambridge, Cambridge University Press, 2012, xii-342 p.

Année de révolutions en Chine, en Russie et dans l’espace allemand, 1919 est, à Paris et en [End Page 1050] France, une phase de transition entre guerre et paix car, si l’armistice date du 11 novembre 1918, le traité de paix n’est formellement signé à Versailles que le 28 juin 1919. Ce contexte donne à cette année-là un statut spécial, où l’espace des possibles change pour un grand nombre d’acteurs. Tyler Stovall ne fait pas l’erreur de la considérer comme un « tournant », qui ferait schématiquement basculer la France du xixe au xxe siècle. Sans présumer des années qui suivent, il fait le choix d’utiliser Paris en 1919 comme un espace-temps permettant d’écrire une « micro-histoire » des protestations populaires autour de la consommation. Prenant appui sur les travaux pionniers, partiellement publiés, de Jean-Louis Robert sur cette période, il propose un travail novateur sur différents plans1.

En insistant sur le lien entre consommation et révolution, T. Stovall prend en effet ses distances avec les historiens des révolutions ouvrières – qui considèrent 1919 comme une série d’opportunités ratées dans le contexte de la lutte entre réformistes et révolutionnaires – mais aussi avec la plupart des historiens de la consommation – qui s’intéressent peu aux pratiques des ouvriers et aux alternatives, souvent malheureuses, à l’économie de marché2. Gary Cross ou Victoria De Grazia, pour reprendre les auteurs cités dans l’ouvrage, ont vu dans l’histoire de la société de consommation au xxe siècle celle d’un « bulldozer » qui s’impose aux classes populaires sans résistance. T. Stovall insiste quant à lui sur la complexité du lien entre révolution et consommation : on peut être selon lui révolutionnaire en luttant contre la vie chère. En 1919, Paris a expérimenté une série de crises qui, pensées ensemble, permettent de dessiner un tableau nouveau et problématisé de l’histoire de la France au début du xxe siècle.

Un premier chapitre insiste sur la « guerre des consommateurs » et les efforts de survie des Parisiens pendant la Première Guerre mondiale, notamment pour ce qui a trait au logement et à l’alimentation. L’État intervient dans les deux domaines, pour mettre en place un moratoire des loyers et une interdiction des expulsions, et pour réguler le marché du pain et de la viande. Ce qui est assez traditionnel dans le cas de l’alimentation est ici effectué sous la pression de militants syndicalistes et socialistes, dans le cadre de « comités d’action3 ». Dans ce contexte, la population est divisée : les consommateurs s’opposent aux petits commerçants, ceux qui ont un logement à ceux qui en cherchent, ceux qui achètent des pâtisseries à ceux qui peinent à trouver du pain. Cette « guerre des consommateurs » est une métaphore qui exprime aussi bien la lutte des Parisiens pour leur survie que les tensions qui les opposent les uns aux autres.

Cette opposition prend place au sein de milieux populaires hétérogènes, comme le montre le chapitre 2 qui articule éléments statistiques et mémoires autobiographiques, et se manifeste particulièrement dans le cadre de l’expulsion hors des usines des femmes et des ouvriers coloniaux sur laquelle insiste le chapitre 3. L’expérience « matérielle » de la guerre sur le front intérieur – à une échelle locale – a des conséquences sur l’activisme politique, que ce soit lors des grèves de couturières en 1917 – qui revendiquent des salaires leur permettant de survivre – ou lors de manifestations politiques en 1919.

L’originalité de l’ouvrage est précisément de mettre en regard les manifestations qui concernent le peuple parisien et le contexte politique et diplomatique plus global, puisque la capitale française est alors...

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