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Reviewed by:
  • Migrazioni mediterranee. Migranti, minoranze e matrimoni a Venezia nel basso mediovevo by Ermanno Orlando
  • Jean-François Chauvard
Ermanno Orlando Migrazioni mediterranee. Migranti, minoranze e matrimoni a Venezia nel basso mediovevo Bologne, Il Mulino, 2014, 548 p.

Venise a une propension toute particulière à nourrir les mythes. Les hagiographes de la Sérénissime ont construit celui d’une ville providentielle, avant d’en célébrer la concorde sociale et l’équilibre des institutions. Les écrivains prirent le relais en en faisant le symbole des plaisirs et de la décadence. L’ultime métamorphose du mythe est l’œuvre des historiens, qui l’ont érigée en paradigme de la ville multiculturelle et multiethnique au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Cette réputation n’est pas usurpée si l’on en juge par la présence, entre le xve et le xvie siècle, de Grecs, de Dalmates, d’Albanais, d’Arméniens, d’Allemands, mais aussi de juifs et de Turcs, qui participaient à la prospérité de la cité et à son atmosphère bigarrée, provoquant la surprise des voyageurs.

C’est cette présence étrangère qu’Ermanno Orlando prend pour objet dans une somme qui réussit le tour de force de restituer les acquis d’une immense bibliographie tout en s’appuyant sur une documentation inédite. Son étude exclut les sujets de Terre ferme ou les Italiens pour se focaliser sur ceux dont l’altérité est jugée plus forte pour des raisons linguistiques (Allemands, Albanais, Dalmates) ou religieuses, qu’ils appartiennent à une autre confession chrétienne (Grecs et Arméniens) ou qu’ils soient considérés comme des infidèles (juifs et musulmans). Ce choix est parfaitement défendable même si la proximité linguistique et religieuse des migrants en provenance de l’arrière-pays ne pose pas moins la question de leur intégration, qui continue à être négligée par l’historiographie au profit de groupes dont l’altérité paraît a priori plus forte et l’insertion plus problématique pour des raisons juridiques et culturelles.

L’auteur s’attache à décrire l’insertion des migrants dans la société citadine en structurant son ouvrage autour des différentes étapes de ce processus. La première partie est consacrée aux conditions d’accès à la cité et à la citoyenneté – particulièrement favorable aux étrangers –, à l’origine des flux migratoires, aux formes de l’accueil, en insistant sur le rôle des réseaux et des institutions communautaires (scuole) dans le choix de la résidence et l’accès au travail. Elle fait, pour l’essentiel, la synthèse des travaux existants sur des communautés étrangères particulières et sur les modalités d’insertion des étrangers dans l’espace urbain.

De loin la plus neuve et la plus originale, la deuxième partie porte sur le rôle du mariage dans le processus d’intégration. Faute de registres de mariage ou de processetti – ces enquêtes sur l’état de célibat des futurs époux qui n’apparaissent à Venise qu’après le concile de Trente –, l’auteur exploite des procès pour cause matrimoniale conservés dans les archives de la curie patriarcale. Ces procès, qui traitent surtout des cas d’annulation de mariages multiples, de nullité de la précédente union, de relations informelles ou prohibées, concernent de manière indistincte les natifs et les étrangers, lesquels sont cependant surreprésentés. Sur les 2 388 procès consultés entre 1385 et 1563, 672 impliquent des étrangers (28%), la proportion étant même supérieure (entre 30 et 47 %) au xve siècle, qui est la période d’immigration allemande et balkanique la plus forte. Et parmi ces 672 procès, 499 portent sur des mariages mixtes entre Vénitiens et étrangers.

En s’appuyant sur les travaux conduits sur le mariage pré-tridentin, en particulier sous la direction de Silvana Seidel Menchi, l’auteur souligne combien le lien matrimonial était précaire et labile, malgré le principe d’indissolubilité et l’interdiction de...

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