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  • La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (xiie-xive siècle) by Pierre Chastang
  • François Otchakovsky-Laurens
Pierre Chastang La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (xiie-xive siècle). Essai d’histoire sociale Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, 478 p.

D’emblée, le titre choisi par Pierre Chastang indique l’ampleur de son projet : il entend traiter la vaste question du gouvernement urbain [End Page 1012] du point de vue de l’écrit institutionnel. Son étude, issue de ses travaux d’habilitation, porte sur l’ensemble des pratiques sociales, politiques et professionnelles liées à la production, au traitement et à la conservation des documents gravitant autour de l’institution communale montpelliéraine. Autour du concept de scripturalité, l’auteur investit un champ principalement exploré par la recherche anglophone et italienne1 dans le but de construire une histoire sociale, comme l’annonce l’ambitieux sous-titre donné au livre.

Pour cela, l’auteur organise son étude en dix chapitres, formant autant d’étapes d’une enquête progressant de la matière documentaire elle-même vers la compréhension d’ensemble du jeu des pouvoirs dans la ville. Il décrit d’abord la « pétrification des archives de Montpellier », dans une archéologie documentaire dynamique et rigoureuse, appuyée sur de nombreuses figures représentant tous les modes de conservation observables, l’agencement des armoires, des cassettes, des tiroirs. L’archivage des documents montpelliérains est en effet spécifique, portant la trace des formes originelles de leur usage par les médiévaux, sans obéir à la nomenclature habituelle adoptée au xixe siècle. Par cette clef heuristique, P. Chastang offre au lecteur un accès direct à la logique institutionnelle d’ensemble de l’abondant corpus montpelliérain. Un premier aperçu simple et saisissant en est d’ailleurs fourni dès l’ouverture de l’ouvrage, par un tableau synoptique décrivant la succession et l’organisation des principaux documents mont-pelliérains.

Cette compréhension fine de la forme et de l’ergonomie archivistiques mène à l’étude des premiers manipulateurs des documents. L’histoire du métier des notaires à partir du xiie siècle éclaire le lien intime que ceux-ci entretiennent dès l’origine avec le consulat, tout comme l’essor de l’écrit accompagne l’affirmation d’une représentation urbaine. Au plus près des techniciens des archives, P. Chastang décèle la part du « bricolage » (p. 126), la fluidité des évolutions, des adaptations professionnelles aux nécessités politiques du moment.

Durant les années 1220-1240 sont composés les grands thalami, monuments scripturaires urbains qui établissent les droits de la ville et règlent les rapports entre les différents pouvoirs (seigneurie aragonaise puis major-quine, évêque, roi de France). Puis, à la suite des conflits entre les métiers mineurs et majeurs, la fin des années 1250 voit apparaître les petits thalami, rassemblant non seulement un matériau diplomatique, mais aussi les textes des décisions émanant de l’institution consulaire. Leur fixation par écrit vaut validation juridique, sans autre authentification notariale que la simple présence dans ces nouveaux registres de la mémoire commune. Tournant le dos à la tradition du cartulaire, ces livres urbains fondent en droit la communauté politique urbaine.

Un siècle plus tard, les années 1340-1350 marquent une autre rupture. Un contrôle administratif centralisé s’établit sur la production écrite des notaires, à la faveur du rattachement de la ville au pouvoir royal français (1349). Ainsi, seul le notaire du consulat peut authentifier les nouveaux actes insérés au grand thalamus. Dans le même mouvement, les conditions de conservation documentaire se renouvellent profondément, valorisant les archives urbaines placées dans l’arca communis et inventoriées séparément des monuments mémoriels que sont les thalami. Alors se construit un pouvoir bureaucratique dans la ville, où le consulat est de plus en plus étroitement intégré à l’autorité politico-administrative française.

Ces évolutions et ruptures ne relèvent pas seulement d’un processus général...

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