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  • Au fil des générations. Terre, pouvoir et parenté dans l’Europe alpine (xive-xxe siècles) by Dionigi Albera
  • Élie Haddad
Dionigi Albera Au fil des générations. Terre, pouvoir et parenté dans l’Europe alpine (xive-xxe siècles) Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2011, 544 p.

L’ouvrage de Dionigi Albera s’impose comme l’une des lectures les plus stimulantes de ces dernières années en matière d’histoire de la parenté, tant par l’ampleur du chantier que par l’articulation proposée entre histoire et anthropologie. « Europe alpine », dit le titre justement, car l’ambition du livre, se jouant des frontières nationales, va bien au-delà de l’espace alpin, même si elle se fonde sur les nombreux travaux empiriques qui y ont été consacrés, auxquels s’ajoutent ceux de l’auteur : tous révèlent le foisonnement des formes de reproduction familiale dans ce milieu pourtant relativement homogène.

L’ouvrage adopte une perspective critique, tant vis-à-vis des formes d’essentialisation des systèmes familiaux produites par le programme de Peter Laslett ou par les travaux inscrits dans la tradition de Frédéric Le Play, que vis-à-vis des réactions inspirées par la microstoria, trop denses et localisées pour être mises au service d’une démarche comparative. Aussi le « laboratoire » alpin est-il exploré pour ouvrir une troisième voie dans l’histoire de la famille et de la parenté. D. Albera se concentre sur un niveau intermédiaire entre, d’une part, les relations de parenté externes à la sphère de cohabitation (celles qui ont fourni les principaux travaux en anthropologie historique de la parenté ces [End Page 1001] dernières années) et, d’autre part, les structures familiales qui étaient au cœur des études inaugurées par les historiens-démographes.

Cette échelle est saisie grâce au concept d’« organisation domestique », soit « un ensemble de relations mobilisé dans des activités concernant la résidence commune, la production, la distribution, la transmission et la reproduction » (p. 47). L’auteur se situe ainsi dans la lignée des travaux de Meyer Fortes et de Jack Goody, délaissant les autres approches d’anthropologie de la parenté, comme le montre leur quasi absence de la bibliographie. La transmission des biens et des statuts est au cœur de sa démarche en ce qu’elle « représente une articulation fondamentale entre le domaine domestique et celui juridico-politique » (p. 470). D. Albera prône une comparaison « réflexive, contrôlée, contextuelle et dense » (p. 7), partant des études de cas fondées sur la microanalyse pour construire des concepts par le bas, dont la généralisation n’est faite que progressivement et de manière prudente dans un espace restreint – cet espace régional alpin aux multiples horizons nationaux – où sont testés les différents facteurs (politiques, économiques, écologiques, linguistiques, etc.) qui peuvent interagir avec les comportements domestiques.

Franchissant les Alpes d’est en ouest, l’auteur discute les travaux existants sur le Tyrol et le Valais et présente ses propres recherches sur le haut Varaïta dans les Alpes italiennes. Au terme de ce premier parcours qui lui permet de réfuter aussi bien les interprétations culturalistes que le déterminisme écologique pour expliquer les comportements domestiques, D. Albera propose une « typologie contextuelle » à tester sur le reste des Alpes. Trois idéal-types – Bauer (construit à partir d’un cas tyrolien), « bourgeois » (élaboré à partir d’exemples pris dans le Valais et les Grisons) et « agnatique alpin » (fondé sur les travaux de l’auteur dans les Alpes italiennes) – renvoient à différentes manières d’organiser la transmission du bien (héritier unique dans le premier cas, égalité bilatérale dans le deuxième, avantage aux descendants masculins dans le troisième), l’habitat, la résidence, l’accès aux communaux, la hiérarchie et les liens avec la communauté villageoise, les relations de voisinage et l’organisation politique. Les stratifications économiques et sociales sont également différentes dans les trois cas. La classification est polythétique...

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