In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Dominus tabernae. Le statut de travail des artisans et des commerçants de l’Occident romain (ier siècle av. J.-C.-iiie siècle ap. J.-C.) by Nicolas Tran
  • Maria Cecilia D’Ercole
Nicolas Tran. Dominus tabernae. Le statut de travail des artisans et des commerçants de l’Occident romain (ier siècle av. J.-C.-iiie siècle ap. J.-C.) Rome, École française de Rome, 2013, 416 p.

Statut, métiers, représentations sociales et individuelles : à partir d’un vaste corpus de documents, Nicolas Tran reprend et approfondit ces thèmes essentiels pour comprendre le travail artisanal et commerçant dans le monde romain, qui était déjà au cœur de ses recherches antérieures.

À partir d’un riche corpus de sources de différentes natures – juridiques et épigraphiques essentiellement, mais aussi littéraires, archéologiques et iconographiques –, ce travail développe avec cohérence et finesse des concepts clés, qui donnent le titre à chaque chapitre. Après une introduction qui aborde des questions méthodologiques et des concepts généraux d’histoire économique, la première partie propose une définition des entreprises romaines, à travers l’étude des figures professionnelles et des structures (tabernae, officinae) qui peuvent être comparées avec la notion moderne d’entreprise, sans y être toutefois assimilées.

Ces chapitres parviennent à dégager le rôle clé de l’institor et du redemptor, une figure de gérant que certaines prérogatives rapprochent de l’entrepreneur moderne, mais aussi la particularité des tabernae instructae, des espaces qui pourraient être considérés comme des sortes d’entreprises. En effet, cette expression désigne à la fois les outils de production, les matières premières et les lieux de production et de stockage, ainsi que la force de travail, comprenant à Rome les travailleurs libres, les esclaves et les animaux.

L’analyse prend ensuite en compte la culture professionnelle des artisans et des commerçants romains et le caractère urbain des métiers considérés. Des pages tout particulièrement réussies sont consacrées à la notion d’apprentissage, qui est le moyen privilégié de la formation des savoirs spécialisés de l’artisan romain, fondement de sa qualification professionnelle et de sa reconnaissance sociale. L’objet de cette transmission est un véritable savoir, la doctrina, gage de la considération sociale de l’artisan et avantage économique certain qui réside dans l’œuvre accomplie par le jeune apprenti ou dans la valeur accrue de l’esclave bien formé. Plus généralement, la chaîne de l’apprentissage a pour but de projeter sur les générations postérieures le modèle même de l’organisation et de la production du [End Page 983] travail. Enfin, une analyse poussée est consacrée à la qualité urbaine des activités marchandes et artisanales, dans le sillon de travaux récemment parus sur ces thèmes1.

On peut dégager de cette analyse différentes lignes interprétatives. La première touche la grande diversité des formes de productions et des statuts économiques, sociaux et juridiques du monde du travail romain. Cette hétérogénéité se répercute sur les fortunes, car « la misère et l’opulence se côtoyaient dans les mêmes ateliers » (p. 147). Elle concerne largement les statuts juridiques des structures productives et de leurs exploitants, partagés entre location, gestion et propriété, identité ou séparation entre propriétaire et gérant, condition libre ou servile des gérants et de la main-d’œuvre en général. Une grande variété s’observe également dans les formes architecturales des espaces de travail et de stockage au sein de la ville, souvent associés (dans 70 % des cas à Pompéi) à des lieux d’habitation. Le constat de cette diversité donne des éléments concrets pour dépasser la longue controverse sur les « classes » et les « ordres » qui a longtemps divisé les historiens de la société romaine.

Un deuxième thème constamment présent au fil des pages concerne la proximité, voire la...

pdf

Share