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  • Sodome à Paris. Fin XVIIIe-milieu XIXe siècle : l’homosexualité masculine en construction by Thierry Pastorello
  • Georges Sidéris
Thierry PASTORELLO. – Sodome à Paris. Fin XVIIIe-milieu XIXe siècle : l’homosexualité masculine en construction, Grâne, Créaphis, 2011, 302 pages. « Silex ». Préface d’André Gueslin.

L’ouvrage de Thierry Pastorello est issu d’une thèse soutenue en 2009 à l’université Paris Diderot, réalisée sous la direction d’André Gueslin. L’auteur se fixe pour objectif d’éclairer le processus de construction de l’homosexualité à travers l’exemple de Paris, de la fin de l’Ancien Régime (en fait, les sources l’engagent à remonter jusqu’aux années 1720) jusqu’à la Seconde République. Le terme « homosexualité » n’ayant été inventé qu’à la fin des années 1860 par l’homme de lettres hongrois Karoly Maria Kertbeny (qualifié ici par erreur de « médecin »), Thierry Pastorello entreprend une étude lexicale, fort bienvenue, des divers termes en usage (pédéraste, bougre, antiphysique, sodomite). Ainsi apparaît clairement que l’homme dont les goûts se portent sur le sexe masculin est bien identifié et désigné de façon spécifique dès le XVIIIe siècle, que ce soit dans les dictionnaires, la littérature (y compris les écrits libertins, notamment chez le marquis de Sade), les textes philosophiques ou les sources juridiques.

L’étude permet de dégager de fortes continuités entre le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle et c’est un des mérites de l’ouvrage que de retracer ces permanences, au-delà des profonds changements qui bouleversent la société française. Continuité d’abord dans la répression contre les homosexuels pris sur le fait ou dénoncés. Certes, le dernier bûcher pour crime de sodomie a été dressé le [End Page 158] 6 juillet 1750. Bruno Lenoir et Jean Diot, deux hommes du peuple, y sont brûlés. Toutefois, le caractère d’exceptionnelle sévérité de cette sentence entraîne sa disparition. Les idées des Lumières qui placent l’homme au centre de la réflexion philosophique et juridique, et la laïcisation du droit sous l’influence de Cesare Beccaria, font que ce n’est plus l’acte en lui-même qui est jugé comme répressible, en tant qu’atteinte à l’autorité divine ou politique, mais le trouble à l’ordre public qu’il génère. Cette évolution trouve son aboutissement dans l’abolition du crime de sodomie en 1791. Désormais, c’est la manifestation publique des actes homosexuels qui est réprimée. L’infraction aux « bonnes mœurs » devient un redoutable outil juridique et policier pour la répression de l’homosexualité. En revanche, les actes se déroulant dans l’espace privé ne sont plus poursuivis. Dès les années 1780, l’activité des patrouilles de pédérastie qui avait lieu le soir sous la responsabilité d’un commissaire avec un inspecteur de police, rend dangereuse la manifestation de la sexualité homosexuelle dans les parcs et jardins et les cabarets. Les arrestations pouvaient conduire à l’enfermement dans le redoutable hôpital-prison de Bicêtre. Les relations homosexuelles dans le cadre privé pouvaient être réprimées à la suite de dénonciations de la part du voisinage, le quartier constituant un espace du contrôle social. En revanche, au XIXe siècle, la répression de l’homosexualité se concentre sur ses manifestations dans l’espace public. Mais cette répression policière, loin de diminuer, s’accroît. Il en résulte des notions importantes pour l’histoire de l’homosexualité. La discrétion devient une composante essentielle de la vie et de la perception sociale des homosexuels. L’intime, conception que l’on trouve déjà au XVIIIe siècle, par exemple dans le monde monastique, devient au XIXe siècle un aspect essentiel de la vie bourgeoise et une composante fondamentale de la vie homosexuelle. Certains homosexuels prennent l’habitude de régler leur comportement selon deux sphères...

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