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  • L’Empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle dir. by Pierre Singaravélou et Julien Sorez
  • Claire Fredj
Pierre SINGARAVÉLOU et Julien SOREZ (dir.). – L’Empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle, Paris, Belin, 2010, 231 pages. « Histoire et société ».

Pourquoi et comment des pratiques sportives se diffusent-elles ? Comment expliquer la « popularité différentielle » des sports ? Jusqu’où l’impérialisme permet-il de comprendre cet aspect de la mondialisation culturelle ? Ces questions traversent les neuf contributions composant L’Empire des sports, analysé à l’âge des empires coloniaux ainsi qu’à l’ère postcoloniale. Outre ces études de cas centrées sur la pratique sportive (football, cricket, chasse, judo, cyclisme, sport automobile…) et/ou un espace particulier (Afrique, Amérique latine, Algérie), la préface d’Allen Guttmann, spécialiste de l’histoire des sports, ainsi que l’introduction consacrée par Pierre Singaravélou et Julien Sorez aux pratiques sportives en situation impériale offrent le cadre de contextualisation bienvenu d’une histoire dominée au XIXe siècle par la Grande-Bretagne, relayée par les États-Unis, où s’inventent plusieurs sports comme le base-ball, le volley-ball et surtout le basket-ball.

Comprendre l’internationalisation du sport suppose de bien connaître ses acteurs : groupes sociaux d’origine métropolitaine (armée, colons, enseignants, missionnaires, mais aussi ingénieurs et techniciens des chemins de fer, etc.), élites indigènes, plusieurs catégories contribuent à ce processus, avec des degrés d’intentionnalité variables dans la transmission. Leur identification et leur organisation permettent à Joseph L. Arbena, passant en revue différentes zones de l’Amérique latine, d’évaluer la manière dont l’adoption de plusieurs sports peut être attribuée à l’impérialisme, formel ou informel. Paul Dietschy analyse ainsi la manière dont le football s’est organisé dans plusieurs colonies africaines, puis comment la pratique sportive est devenue un des lieux d’expression de la cause nationale.

En effet, si le paradigme de la diffusion des pratiques sportives comme conséquence de l’impérialisme politique, économique et culturel est opérant, il doit être utilisé avec nuance, pour ne pas être réducteur. La capacité des peuples colonisés à résister aux sports venus des colonies est à prendre en considération, mais aussi et surtout les multiples voies d’une indigénisation dont l’ouvrage donne de nombreux exemples, notamment en matière d’invention de styles « nationaux » de jeu, soubassements éventuels des revendications sociales et nationales. Brian Stoddart retrace ainsi l’histoire internationale du cricket, de l’empire aux indépendances en montrant [End Page 151] la manière dont ce jeu de la distinction sociale connaît plusieurs déclinaisons dans les colonies, comment il est le lieu de résistances culturelles et comment les indépendances font évoluer – ou pas – la géographie de sa pratique. L’ouvrage présente la manière dont le sport contribue à l’élaboration identitaire à travers deux autres cas analysés par Patrick F. McDevitt qui décrit les tensions secouant le monde du cricket britannique entre ses composantes métropolitaine, australienne et antillaise dans les années 1930, et rappelle la résistance au sport anglais en Irlande et la diffusion des « sports gaéliques ». L’auteur souligne les aspects genrés de la pratique sportive ainsi que la manière dont genre et nation se construisent : dans le premier cas, défendre sa vision du cricket revient à défendre sa propre masculinité, dans le second, la promotion des sports gaéliques est un élément majeur de la masculinisation de la culture irlandaise au tournant des XIXe et XXe siècles.

L’étude du rallye automobile du centenaire de la colonisation de l’Algérie (1930) et du tour cycliste d’Algérie (1949) permet à Philip Dine de mettre en relation des pratiques perçues comme modernes et la perception que les Européens ont d’eux-mêmes et des autres populations, du territoire, des pratiques d’aménagement, contribuant à la légitimation de la présence française. Ces courses illustrent le fait que la « sportivisation » de l...

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