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Reviewed by:
  • Les « Lettres persanes » de Montesquieu dir. by Christophe Martin
  • Carole Dornier (bio)
Les « Lettres persanes » de Montesquieu, dir. Christophe Martin
Paris: PUPS, 2013. 350pp. €16. ISBN 978-2-84050-917-2.

Ce volume collectif, publié dans le cadre de la préparation au concours français de l’agrégation de lettres, rassemble, sur le célèbre roman de Montesquieu, seize contributions, douze inédites et quatre déjà publiées ou remaniées à partir de publications antérieures (P. Hartmann, J.-P. Courtois, J.-P. Schneider, C. Spector), proposées par des chercheurs spécialistes de l’auteur et de la littérature du xviiie siècle. Il s’organise autour de quatre orientations interprétatives, sur les rapports entre la forme romanesque et la réflexion politique, sur l’évolution donnée au texte par son auteur entre la première édition de 1721 et les Cahiers de correction utilisés dans l’édition de 1758, sur la confrontation des modèles orientaux et occidentaux de rapports entre les sexes, la dernière partie réunissant des approches thématiques particulières: tragédie, apostasie, économie. [End Page 612]

Le titre de l’ouvrage qui relance la question des influences et des sources renvoie au temps et à l’espace, à la pluralité des voix qui s’y déploient, mais aussi à la fiction de la traduction comme condition d’une lecture décalée, d’un discours de l’étranger (J.-P. Sermain). L’examen de la circulation de l’information dans le roman démystifie les discours et les pratiques culturelles, les idées reçues, l’ordre du sérail instauré par Usbek, l’acculturation ratée du voyageur (J.-M. Goulemot). Le projet abandonné par Montesquieu d’une histoire de la jalousie éclaire, dans les Lettres persanes, la conscience de la diversité des usages et des mœurs dans les rapports entre les sexes, mais aussi les ressemblances entre des pratiques qui, en Orient et en Occident, paraissent s’opposer. Ces paradoxes invitent le lecteur à regarder autrement le familier et l’étranger (Ch. Martin).

Les Lettres persanes doivent-elles être lues comme roman inaugural des Lumières?

Le caractère indirect et allusif fait partie des stratégies d’époque de contournement de la censure; se déploie, sous la parodie du langage oriental, une critique du discours mythico-religieux (P. Hartmann). L’abbé Gautier dénonçait les voies obliques de l’impiété dans le roman; or c’est plutôt un détachement à l’égard de la religion qui se manifeste progressivement dans le discours d’Usbek (P. Stewart). L’examen des Cahiers de correction et la comparaison entre l’édition de 1721 et celle, posthume, de 1758, est riche d’enseignements: Montesquieu a pris en compte les griefs d’impiété formulés par le rédacteur janséniste, mais sans pour autant altérer le contenu de la première version (J.-P. Schneider).

Le roman recèle une interrogation sur les pièges de la pensée rationnelle elle-même, comme le montre l’aliénation d’Usbek, l’attention aux formes à la fois domestique et politique du despotisme, la nécessité de faire place à la sensibilité et à l’imagination dans la compréhension des sociétés et des relations humaines (P. Hartmann). Partout, dans le roman, l’erreur est présente, comme un élément de cette « chaîne secrète », qui s’oppose au disparate apparent: erreurs de l’homme liées aux passions mais aussi à la raison, erreur active, passive, autoréflexive, mais aussi relativité de la perception de l’erreur et de la vérité (E. Lavezzi). Partout aussi se déploie dans la polyphonie épistolaire le motif du secret, dans un mouvement incessant de dévoilement et de réactivation, en un geste herméneutique constamment renouvelé (A. Gaillard). Sur le plan narratif, les additions et variantes manifestent la propension de l’auteur à ménager les conditions de nouvelles interprétations (C. Volpilhac-Auger).

L’ouvrage est traversé par les figures de doubles, représentants, substituts et imposteurs, par la place vide de la valeur et de la l...

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