In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • “Non”: Fragments d’un roman sur la Résistance by André Malraux
  • Yves Laberge
André Malraux. “Non”: Fragments d’un roman sur la Résistance. Édition établie par Henri Godard et Jean-Louis Jeannelle. Paris: Éditions Gallimard, coll. “Les Cahiers de la nrf,” 2013. 131 pp.

De nos jours, un nouveau livre d’André Malraux (1901–1976) est perçu en France comme un événement inespéré. Romancier célébré, héros de la Résistance, ancien ministre sous De Gaulle, Malraux reste universellement connu pour ses romans La Condition humaine et L’Espoir. Autre signe tangible de sa postérité, ses œuvres sont désormais réunies dans la prestigieuse collection “La Pléiade.” En outre, ses propos sur l’art et son concept de musée imaginaire avaient fait l’objet d’une série télévisée inégalée, Journal de voyage avec André Malraux (désormais disponible sur dvd). Même un dictionnaire lui a été récemment consacré (Charles-Louis Foulon, Janine Mossuz-Lavau, Michaël de Saint-Cheron, Dictionnaire André Malraux. Paris: cnrs Éditions, 2011). Mais peut-être pourrions-nous simplement résumer sa vie et son parcours en le nommant un aventurier, un peu comme un personnage téméraire de l’un de ses romans.

Ce livre inédit, laconiquement intitulé “Non” par son auteur, est un [End Page 164] roman inachevé dont l’action se situe durant la Résistance et que Malraux avait commencé à écrire durant cette période tragique, en 1944–1945; il avait repris le projet en 1971, après sa carrière politique de douze années consécutives, sans toutefois avoir le temps de compléter son manuscrit. En réalité, Malraux n’a jamais considéré de le publier en l’état; le lecteur devrait donc considérer ce texte comme un “work in progress” et abaisser ses attentes quant à la littérarité et la cohérence de cet embryon de roman. En revanche, pour les chercheurs en études littéraires, ce document à l’état brut montre Malraux au travail et propose un roman en cours d’élaboration; la méthode Malraux est ici pleinement à l’œuvre et particulièrement visible.

La part autobiographique de cette “fiction” est flagrante, et c’est l’un des intérêts du livre. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Malraux le Résistant planifiait des opérations antinazies sous le nom de code de “Colonel Berger”; incidemment, le personnage central de ce roman se nomme également “Colonel Berger.” Dans sa forme non-retouchée, ce roman totalise à peine 70 pages, ce qui est très peu compte tenu des standards de l’époque. Les indispensables commentaires ajoutés par Henri Godard et Jean-Louis Jeannelle sont en italiques, intercalés tout au long du texte (et pas seulement sous forme de notes en bas de page). D’ailleurs, Jean-Louis Jeannelle a aussi fait paraître une étude interprétative portant spécifiquement sur ce roman de Malraux (Jean-Louis Jeannelle, Résistance du roman. Genèse de “Non” d’André Malraux. Paris, cnrs Éditions, 2013, 328 p.).

Ici, les commentaires éclairants de Jean-Louis Jeannelle et Henri Godard méritent une attention particulière car ils situent les éléments du réel transposés dans ce récit; ainsi, par exemple, deux compagnons véritables de Malraux de l’époque du maquis se retrouvent dans le roman: son ami Fouché devient ici “Raguse” et son copain Ravanel est rebaptisé “Laigle.” Le roman “Non” débute par un épisode tendu situé dans un bistrot parisien, durant l’Occupation: rafle, arrestations par la Gestapo, fuites des Résistants. Sur le plan de la rédaction, deux chapitres sembleraient presque complétés et apparaissent comme étant cohérents avec les thèmes de prédilection de l’écrivain: l’individu face à un monde hostile et injuste, le destin, l’absurdité de la mort, le doute quant à l’existence de Dieu. Plus loin, quelques pages d’un chapitre presque achevé relate le dialogue entre un abbé et un ethnologue athée à propos de la possibilité d’une vie éternelle après la mort...

pdf

Share