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Reviewed by:
  • European Francophonie: The Social, Political and Cultural History of an International Prestige Language ed. by Vladislav Rjéoutski, Gesine Argent, and Derek Offord
  • Gilles Siouffi
European Francophonie: The Social, Political and Cultural History of an International Prestige Language. Edited by Vladislav Rjéoutski, Gesine Argent, and Derek Offord. (Historical Sociolinguistics, 1.) Bern: Peter Lang, 2014. 498 pp.

Depuis quelques années, on observe un renouveau des études sur les pratiques multilingues dans l’Europe des dix-septième et dix-huitième siècles, qui ont vu l’usage du latin reculer, et plusieurs langues modernes, parmi lesquelles le français, être concernées par l’attribution, dans les représentations, d’un prestige. Mais cette notion de prestige est-elle [End Page 149] bien valable quand il s’agit d’aborder la réalité sociolinguistique de ces usages? C’est la question que posait James Milroy, et que repose ici un collectif qui réunit les actes d’un séminaire tenu à l’Université de Bristol pendant l’année 2012. Le collectif repart de la notion d’une ‘francophonie’ européenne, le terme étant entendu dans un sens qui exclut les pays aujourd’hui ‘francophones’ tels la Suisse ou la Belgique. Il s’agit donc d’aborder la question de l’usage d’une seconde langue — langue éventuellement véhiculaire, langue de culture, langue choisie, parfois pour des usages spécifiques et au sein d’une communauté spécifique. D’emblée, l’Introduction, en faisant la revue de ce qui a été dit depuis Brunot jusqu’à présent sur le sujet, s’efforce de faire bouger les cadres, posant la question de savoir si on peut accepter l’idée de l’expansion d’une langue (et cette langue est-elle alors partout la même?), ou s’il ne vaut pas mieux envisager les choses sous l’angle d’un ‘languaging spread’ (p. 23), autrement dit l’expansion de manières d’utiliser la langue, ou de pratiques discursives associées à une langue. Le grand intérêt de ce collectif est de traiter au cas par cas tous les contextes européens: Angleterre (au Moyen Âge), Italie (notamment Piémont), Hollande (au dix-huitième siècle), Prusse (dix-huitième et dix-neuvième), Bohème, Espagne, Suède, Pologne, Roumanie, Turquie, Russie. L’ensemble est précédé d’une proposition théorique de Peter Burke qui, discutant de comment évaluer la ‘diglossie’ dans l’Europe prémoderne, explique bien que ce dont il s’agit, en fait, c’est ‘the use of a foreign language as a High form’ (p. 39), avant l’émergence des nationalismes. Nous souscrivons à cette idée qu’il faut revoir ces pratiques en essayant d’apprécier au plus juste ce qu’elles avaient, pour leur temps, de ‘moderne’, et en reprenant tous les contextes dans leurs spécificités, sans en tirer de conclusion générale liée à la langue, à la politique ou à la culture sources. C’est dans leurs particularités sociologiques que les études de cas invitent plutôt à rechercher des points communs, ce que fait de façon développée la riche conclusion des éditeurs. On relève à ce titre la permanence du caractère élitiste de cette pratique, que pointe bien Manuela Böhm dans son étude sur la Prusse, allant jusqu’à parler d’un phénomène ‘superficiel’ (p. 207); son caractère formel; le rôle des femmes; ou encore la dichotomie entre langue véhiculaire, ‘pratique’ (‘language of convenience’, p. 113) et langue de culture, comme le montre Nadia Minerva au début de son étude sur l’Italie. On a là une pièce essentielle dans le renouveau de ces études.

Gilles Siouffi
Université Paris-Sorbonne
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