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Reviewed by:
  • Éloge du blasphème by Caroline Fourest
  • Edward Ousselin
Éloge du blasphème. Par Caroline Fourest. Paris: Grasset, 2015. 198 pp.

Deux livres récents résument l’essentiel des réactions aux attentats terroristes de janvier 2015 au siège de Charlie Hebdo et à l’Hypercacher de la porte de Vincennes. Dans Qui est Charlie?: sociologie d’une crise religieuse (Paris: Seuil, 2015), Emmanuel Todd s’en prend surtout à ceux qui par millions ont défilé le 11 janvier avec pour slogan ‘Je suis Charlie’, les accusant d’être en fait porteurs de valeurs profondes néo-pétainistes. Plutôt qu’un sursaut républicain, une manifestation de soutien aux principes de liberté d’expression et de laïcité, le 11 janvier aurait donc été un ‘moment d’hystérie’ islamophobe, un acte d’exclusion de la part de couches sociales supérieures qui traitaient de fait une minorité d’origine immigrée en tant que ‘bouc émissaire’. On cherche en vain, dans le livre de Todd, une condamnation du terrorisme ou un mot de compassion pour ses victimes. D’un côté, une dénonciation féroce du 11 janvier, de l’autre, un silence retentissant sur l’idéologie raciste et obscurantiste qui a produit les tueries des 7–9 janvier. Par contre, dans Éloge du blasphème, Caroline Fourest, qui a travaillé pour Charlie Hebdo, revient sur le contexte qui a mené aux attentats terroristes, à commencer par l’affaire des caricatures de 2006, montée de toutes pièces par certains prédicateurs et gouvernments totalitaires à des fins de propagande politique. Elle rappelle que la plupart des médias occidentaux ont refusé, sous prétexte de ‘responsabilité’ alors qu’il s’agissait de lâcheté, de reproduire les dessins initialement publiés par une revue danoise, contribuant ainsi à isoler et à diaboliser les rares journaux qui refusaient de céder à l’intimidation. Son livre a le mérite de clarifier les usages multiples de certains termes — ‘blasphème’, ‘islamophobie’ — couramment utilisés pour empêcher toute discussion sereine, pour réduire tout débat sur le rôle des religions dans la société à une lutte acharnée entre croyants et incroyants, et surtout pour banaliser l’emprise croissante de l’intégrisme qui est d’abord et surtout une idéologie politique. Puisque le délit de blasphème n’existe plus en France (à l’exception de l’Alsace-Moselle, encore concordataire), puisqu’une tradition anticléricale y est fortement enracinée, la stratégie médiatique des intégristes et de leurs alliés est de brouiller la distinction entre satire de la religion et incitation à la haine, une stratégie que les islamistes ne sont pas seuls à avoir adoptée: ‘Les intégristes chrétiens sont les premiers à avoir compris l’intérêt de confondre blasphème et racisme’ (p. 105). Par un retournement discursif non dénué d’habileté — le livre de Todd, comme certains médias occidentaux, ont d’ailleurs la naïveté de l’accepter — ce sont les partisans de la laïcité qui sont accusés d’intolérance, faux débat qui permet d’étouffer la liberté d’expression et de camoufler ce que véhicule véritablement l’idéologie intégriste: l’homophobie, le sexisme, [End Page 147] l’antisémitisme, la coercion communautariste. D’un ton retenu qui contraste nettement avec celui de Todd, le livre de Fourest rappelle clairement certaines évidences qui ont été volontairement obscurcies afin de légitimer l’intimidation politique. À noter en passant, deux livres posthumes: Charb, Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes (Paris: Les Échappés, 2015); Bernard Maris, Et si on aimait la France (Paris: Grasset, 2015).

Edward Ousselin
Western Washington University
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