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  • Trajectoires et dérives de la littérature-monde: poétiques de la relation et du divers dans les espaces francophones ed. by Cécilia W. Francis and Robert Viau
  • Oana Panaïté
Trajectoires et dérives de la littérature-monde: poétiques de la relation et du divers dans les espaces francophones. Sous la direction de Cécilia W. Francis et Robert Viau. (Francopolyphonies, 12.) Amsterdam: Rodopi, 2013. 607 pp.

Fruit d’un colloque organisé en octobre 2010 par l’Université du Nouveau-Brunswick et l’Université Saint-Thomas à Frédéricton, l’ouvrage s’inscrit dans une longue série de publications consacrées au manifeste ‘Pour une littérature-monde en français’ signé en 2007 par quarante-quatre écrivains français et francophones et à l’ouvrage Pour une littérature-monde sorti la même année aux Éditions Gallimard sous la direction de Michel Le Bris et Jean Rouaud, ainsi qu’au vifs débats qu’ils engendrèrent. Les trente articles suivis de la table ronde ‘Quel est l’avenir de la littérature-monde?’ (avec Alain Borer, Lise Gauvin, Michel Le Bris et Régine Robin) et d’une reprise du texte paru le 16 mars 2007 dans Le Monde sont préfacés par une Introduction dans laquelle les éditeurs tracent les grandes lignes de la réflexion sur le sujet: sociolinguistique et socioculturelle, poétique et textuelle, dialogique et relationnelle. Selon Cécilia W. Francis et Robert Viau, la littérature-monde permet de ‘saisir créateurs et créatrices associés à la “périphérie” dans une nouvelle dynamique transversale, transnationale, indépendante de la médiation du centre dominant’ (p. 5). Le rapport à la métropole, la relation ambiguë avec la francophonie et la simplification extrême de l’histoire littéraire constituent quelques-uns des points contentieux examinés dans la première partie du recueil, tandis que les sept autres exemplifient ses enjeux en alternant synthèses et études de cas. Lydie Moudileno souligne la revendication de la ‘puissance politique’ (p. 24) de la littérature par des écrivains situés dans un équilibre instable entre ‘le potentiel centrifuge de la littérature-monde, forcément transnationale, et […] les forces centripètes du nationalisme hexagonal’ (p. 22). Les implications du manifeste et de la querelle qu’il suscita sont examinées par José Calderón et Viau. Régine [End Page 145] Robin rappelle que l’affranchissement de la langue et de la littérature des concepts de territoire et de nation était déjà à l’œuvre dans l’écriture migrante élaborée au Québec dans les années 1980. Toutefois, comme le signale l’article polémique de Kathleen M. Gyssels, derrière l’appel à la ‘défrancisation’ (p. 123), la notion de littérature-monde est menacée par le mimétisme, la ‘lactification’ jadis évoquée par Fanon, et le centralisme éditorial. La pensée d’Édouard Glissant, figure tutélaire du manifeste, fait l’objet de plusieurs analyses: François Paré se penche sur ‘l’indissolubilité du couple enracinement et ouverture’ (p. 383) alors que Christian Uwe étudie sa ‘poéthique’. La littérature-monde rassemble un nombre important de questions, inquiétudes et impensés caractérisant la réflexion littéraire actuelle: l’émergence des nouveaux paradigmes artistiques et critiques (transculturels, transcontinentaux et transfrontaliers), la reconnaissance des littératures mineures et des voix singulières, et la nécessité de repenser le cadre conceptuel historico-critique ainsi que le système des valeurs de la littérature en français. La véritable contribution du concept émerge dès lors qu’il est mis à l’épreuve des œuvres ou sollicité pour mettre à l’épreuve les catégories critiques dominantes, comme le montrent le travail de Francis sur l’écriture baroque d’Assia Djebar, la panorama de la métalittérature africaine par Désiré Nyela ou l’analyse de l’écriture de Sony Labou-Tansi offerte par Isabelle Keller-Privat, pour ne retenir que trois exemples parmi les nombreux textes éclairants réunis dans cet ouvrage.

Oana Panaïté
Indiana University

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