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  • L’Éclosion d’une parole de théâtre: l’œuvre de Michèle Fabien, des origines à 1985 by Dominique Ninanne
  • Serge Goriely
L’Éclosion d’une parole de théâtre: l’œuvre de Michèle Fabien, des origines à 1985. Par Dominique Ninanne. (Documents pour l’Histoire des Francophonies, 39.) Bruxelles: Peter Lang, 2014. 512 pp., ill.

Peu connue à l’étranger, Michèle Fabien (1945–99) a indéniablement marqué le théâtre d’expression française en Belgique dans les années 1960–70. S’inscrivant dans la dynamique du ‘Jeune Théâtre’ (tel que s’est appelé le mouvement qui s’est alors érigé en opposition aux structures théâtrales existantes), elle s’est illustrée au sein de l’Ensemble Théâtral Mobile. Aux côtés de Marc Liebens qui dirigeait la compagnie, elle a pu s’exprimer tour à tour comme auteure de théâtre, dramaturge, adaptatrice, traductrice ou metteuse en scène. À cet égard, il était tout à fait justifié de lui consacrer une monographie. Fruit d’une thèse de doctorat soutenue en 2010, l’ouvrage de Dominique Ninanne se présente comme un travail substantiel et incontournable pour qui s’intéresserait à [End Page 130] Fabien. L’objectif premier est ici de ‘circonscrire au plus près l’éveil à l’écriture’ (p. 14) de l’artiste belge, en s’interrogeant sur les raisons qui ont déterminé ses choix artistiques et en tenant compte du contexte socioculturel dans lequel elle évoluait. Ninanne propose de suivre chronologiquement son parcours, depuis ses années de formation et de recherche jusqu’en 1985 (date de la remise en question de l’engagement de l’Ensemble Théâtral Mobile en Belgique). Elle étudie avec minutie les pièces de Fabien, qu’il s’agisse des célèbres Jocaste (1981), Sara Z. (1982) et Notre Sade (1985) ou de celles restées inédites. Avec le même soin, elle se penche sur son travail de dramaturge, notamment sur Hamlet-machine de Heiner Müller (1978) et Jim le téméraire de René Kalisky (1982), et d’adaptatrice de romans à la scène (Les Bons Offices de Pierre Mertens en 1980 et Oui de Thomas Bernhard l’année suivante). La masse d’informations fournie sur les conditions de création et de réception de l’œuvre de Fabien est considérable. C’est un des grands mérites de Ninanne, qui semble avoir voulu ne rien oublier. Sont ainsi retenus les différentes versions des pièces, les ébauches, les textes réflexifs de Fabien (articles, entretiens, correspondance) comme tout ce qui a été écrit sur son œuvre et les créations théâtrales auxquelles elle a collaboré. Cela étant, il est à noter un certain manque de distance critique de Ninanne par rapport à son objet, ainsi que l’insuffisance d’outils d’analyse proprement dramaturgiques pour son étude. Comme l’écriture de Fabien et son approche du théâtre en général sont principalement interprétées à partir de ce qu’ellemême et son milieu ont pu vivre et en dire, le risque pour Ninanne de verser par endroits dans l’autojustification, voire l’hagiographie, n’est pas absent. De même, il est à regretter qu’elle se montre peu à l’aise dès qu’il s’agit de traiter des enjeux esthétiques posés par le théâtre moderne et contemporain. Elle fait peu de cas — ou maladroitement — des réflexions des théoriciens et commentateurs réputés, alors qu’une prise en compte plus réfléchie de l’évolution des formes théâtrales à l’échelle globale aurait permis de mieux cerner l’originalité de ‘la parole de théâtre’ de Fabien et de situer sa place dans l’histoire des arts du spectacle.

Serge Goriely
Université catholique de Louvain
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