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  • Recueil général de moralités d’expression française, III: La Moralité de Bien avisé Mal avisé ed. by Jonathan Beck
  • Thierry Revol
Recueil général de moralités d’expression française, III: La Moralité de Bien avisé Mal avisé. Édité par Jonathan Beck. (Bibliothèque du théâtre français, 21.) Paris: Garnier, 2014. 342 pp.

La pièce ici éditée raconte les aventures des deux personnages éponymes antagonistes, confrontés l’un et l’autre à une série de rencontres qui doivent décider de leur avenir spirituel: le texte mime donc un itinéraire moral, dont l’aboutissement est l’au-delà. Mais l’on peut aussi considérer ces personnages comme les deux faces de l’humanité, aux prises avec ses contradictions et ses interrogations, et dont les choix existentiels ont des conséquences graves: la Mort elle-même apparaît à la fin, comme les diables ou Dieu, accueillant l’âme en enfer ou au paradis. Le texte met en scène pas moins de soixantesept personnages, essentiellement des allégories. Et même lorsqu’ils apparaissent sous des noms de types humains, ils finissent par représenter des abstractions: les Escoliers incarnent ainsi les vices comme Gloutonie, Ire et Parresce. La pièce pose d’intéressantes questions de mise en scène. Traditionnelles, les diableries, les épisodes de taverne ou de roue de la Fortune, de même que l’usage métaphorique d’une lanterne, ne devaient pas poser de problèmes dramaturgiques inédits. Mais quelle dramaturgie pour les longues discussions théologiques ou doctrinales, celles qui concernent la discipline de l’Église et des clercs, les affrontements psychologiques très abstraits des allégories? Quelle attention le public leur accordait-il? Apparemment jouée pour la première fois en 1396, la pièce est connue par deux versions de la fin du quinzième siècle (et non du début, comme indiqué p. 15): un manuscrit et un imprimé, le premier servant de base à la présente édition. Une Introduction propose une définition du genre ‘Moralité’ comme un lieu de réflexion et d’édification sur le mal, une sorte de ‘mode d’emploi de la vie humaine’ (p. 12) en forme d’avertissement. La pièce fait ensuite l’objet d’une analyse par épisodes, quoique l’ordre des vers et des séquences ne soit pas toujours clair, car les scènes sont distribuées différemment entre le manuscrit et l’imprimé. Suit une présentation concernant la dénomination des personnages et la numérotation des vers: on en compte ici 7173, essentiellement des octosyllabes à rimes plates. S’interrogeant sur la langue du texte, l’éditeur s’en tient souvent à des remarques très générales: ‘le français du XVe siècle est flexible’ ou ‘c’est un système d’approximations en train de se préciser’ (p. 25). L’étude linguistique reste donc en deçà de ce que l’on pourrait attendre d’un texte aussi intéressant, en deçà aussi des dernières études systématiques sur le Moyen Français: la question des picardismes, l’usage des trémas et de la métrique, notamment, ne sont pas vraiment résolus. Le texte est pourtant édité de manière très lisible, si l’on excepte quelques rares fautes d’édition ou d’imprimerie. Il est suivi de variantes essentiellement tirées de la version imprimée, d’un glossaire plutôt efficace à l’usage, d’une bibliographie, d’un index de proverbes, d’un index nominum où l’on note quelques manques. Le volume se conclut sur la table des matières, qui montre, pour le texte lui-même, le manque de divisions efficaces permettant de se repérer dans une œuvre assez longue. Cette édition [End Page 97] porte à la connaissance d’un public large un texte étonnant pour la pratique du théâtre et le degré de compréhension théologique des spectateurs qu’il suppose.

Thierry Revol
Université de Strasbourg
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