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  • Matiéres incandescentes: Problématiques matérialistes des Lumières françaises by Pierre Berthiaume
  • Colas Duflo (bio)
Matiéres incandescentes: Problématiques matérialistes des Lumières françaises par Pierre Berthiaume Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 2014. 330pp. CAN $39.95;€36. ISBN 978-2-7606-3340-7.

Dans cet ouvrage, Pierre Berthiaume, professeur émérite de l’Université d’Ottawa et spécialiste du xviiie siècle, dresse un parcours général et synthétique du matérialisme français du xviiie siècle, abordant aussi bien son versant critique et sa lutte contre l’idéologie et l’institution catholique que les éléments par lesquels il construit une philosophie nouvelle dans ses différents aspects. La critique des dogmes religieux et au premier chef de l’idée de Dieu est le point de départ de ce travail parce qu’elle représente pour Berthiaume le socle fondamental sur lequel se construit l’entreprise matérialiste. Convoquant de nombreuses références, et au premier chef d’Holbach et Meslier, tout en soulignant ce qu’ils doivent à Spinoza ou à Hobbes, Berthiaume rappelle d’abord dans quels termes se fait la critique de la Révélation et des « fables impertinentes et ridicules » dont est remplie la Bible. Ce n’est qu’un premier pas, qui mène à la remise en question de l’idée même de Dieu, dont les preuves sont systématiquement attaquées, et qui finit par symboliser la déraison et la faiblesse de l’homme. À partir de là, il est possible de dénoncer pleinement l’institution religieuse, qui profite de la peur des hommes et entretient l’ignorance pour assoir son pouvoir. D’Holbach, Meslier ou Dumarsais scrutent l’histoire du christianisme pour y déchiffrer une série d’impostures et y lire la genèse d’une morale de fanatiques ennemis de la nature humaine.

Il ne s’agit pas seulement, pour les matérialistes, de démolir les anciennes idoles, mais bien aussi de construire une philosophie nouvelle, qui doit passer par une redéfinition de la matière, afin de pouvoir remplacer le dualisme par le monisme. Il était nécessaire au premier chef de sortir de l’idée d’une matière purement passive, de lui conférer le mouvement de manière essentielle et propre, comme le font John Toland, et après lui Diderot et d’Holbach, mais aussi une forme de capacité d’auto-organisation, qui donne naissance à la nature telle que nous la connaissons—et il convient alors d’admettre la relativité [End Page 409] de l’ordre et du désordre: tout ce qui est dans un ordre quelconque—dans laquelle tout est lié et où la vie se produit de manière spontanée et progressive, les espèces évoluant, comme le laissent penser, sous des formes diverses, Benoît de Maillet, Buffon, Maupertuis ou Diderot (bien qu’il soit peut-être aventuré, si l’on en croit la mise en garde de Jacques Roger, de parler de transformisme). Mais c’est évidemment l’humain qui intéresse les matérialistes avant toute chose. Le monisme s’articule à un renouvellement même de la compréhension du corps, par lequel les médecins et les philosophes du dix-huitième siècle s’éloignent du mécanisme cartésien. Boerhaave, Hoffmann, La Mettrie, Maupertuis, Buffon, Haller ou les médecins vitalistes de Montpellier comme Ménuret de Chambaud réinventent une compréhension de la vie et de la sensibilité qui fait de l’organisme un tout sensible et vivant par luimême. Si bien que l’âme, si par là on entend quelque chose de différent du corps, devient superflue à la compréhension du vivant, et en particulier de l’homme. Les matérialistes retrouvent par là les convictions de leurs devanciers de l’antiquité, qui croyaient l’âme matérielle, mais les réinventent à la lumière tant de la médecine moderne que de la nouvelle manière de philosopher proposée par Locke. Bordeu, La Mettrie et Diderot pensent la...

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