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  • Un film comme source pour l’histoire de la formation des adultes hommes… et femmes : Retour à l’école ? (Nancy, 1966)par Françoise F. Laot
  • Frédéric Neyrat
Françoise F. LAOT. – Un film comme source pour l’histoire de la formation des adultes hommes… et femmes : Retour à l’école ?(Nancy, 1966), Nancy, Presses universitaires de Nancy-Éditions universitaires de Lorraine, 2014, 209 pages. « Histoire des institutions scientifiques ». Postface d’Alain Bercovitz.

Publication après publication, depuis sa thèse de 1998 consacrée au « complexe de Nancy » – structuré autour du Centre universitaire de coopération économique et sociale (Cuces) et de l’Institut national pour la formation des adultes (Infa) –, Françoise F. Laot, professeure de sociologie à l’Université de Reims, s’impose comme une historienne de référence en matière de formation des adultes. C’est plus précisément de la socio-histoire, telle que la conçoit Gérard Noiriel, qu’elle se revendique. Ce champ de recherche l’a conduite à développer deux axes complémentaires : la sociologie visuelle d’une part, le genre d’autre part. L’ouvrage ici présenté est à l’articulation de ces intérêts. Le point de départ est un film documentaire, Retour à l’école ?, réalisé en 1966 par le service de recherche de l’ORTF, en collaboration avec le Cuces, lieu central dans l’histoire de la formation permanente, alors dirigé par Bertrand Schwartz. Un film que Françoise F. Laot avait découvert pendant le temps de préparation de sa thèse au milieu des années 1990, et sur lequel elle a retravaillé de façon approfondie à partir de 2005.

Il faut dire que ce film est riche : « un documentaire de témoignages (de salariés en cours de promotion sociale) », témoignant de la façon dont était conçue la formation des adultes dans les années 1960. Les femmes n’y avaient alors de place que comme épouses, appelées à soutenir leurs conjoints dans leur projet et leurs efforts.

La première partie, intitulée « archéologie d’un film documentaire », mérite d’autant plus ce titre que ce film semble « effacé des mémoires » (p. 36). Même le charismatique directeur du Cuces de l’époque, Bertrand Schwartz, interrogé par l’auteure, ne semble avoir pu la renseigner sur les conditions dans lesquelles la décision de le produire avait été prise. Et pourtant le film est bien centré sur les « auditeurs des cours du soir du Cuces » qui parlent de leur rapport à la formation, des espoirs qu’ils nourrissent, des difficultés qu’ils rencontrent. Si l’approche est « clairement psychosociologique » puisqu’« il s’agit de donner la parole ‘librement’, de faire s’exprimer les auditeurs, leurs épouses et les autres interlocuteurs, à partir de questions ouvertes, sans (trop) diriger les réponses » (p. 27), la discussion est cependant structurée. Trois thèmes émergent plus précisément : la spécificité des cours du soir (que les interviewés ne semblent pas vivre comme un « retour à l’école »), l’utilité de cette formation (entre « besoin de culture » et « recherche d’une récompense matérielle ») et enfin la « vie conjugale et familiale des auditeurs ».

Françoise F. Laot, dans son entreprise « archéologique », s’appuyant sur des archives écrites et orales (en particulier un entretien avec Alain Bercovitz, psycho-sociologue au Cuces, auteur du film et également, un demi-siècle plus tard, d’une belle postface à cet ouvrage), et déplorant le renoncement à l’idéal d’éducation permanente, au nom du « développement des compétencesgarantes de l’ employabilité» (p. 194), revient très précisément sur la fabrique du film, et notamment sur les conditions de son montage. Dans la troisième partie, « Histoires d’un film », elle décrit les conditions de la collaboration entre le Cuces et le service de recherche de [End Page 122]l’ORTF, alors dirigé par le compositeur et théoricien de la « musique concrète », Pierre Schaeffer. Elle fait aussi des hypothèses sur les raisons de l’oubli de ce film, de sa non-utilisation « une fois monté ». Si...

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