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  • Expériences de la folie. Criminels, soldats, patients en psychiatrie (XIX e-XX esiècles)dir. par Laurence Guignard, Hervé Guillemain et Stéphane Tison, and: Du Front à l’asile 1914–1918par Stéphane Tison et Hervé Guillemain
  • Sylvain Bertschy
Laurence GUIGNARD, Hervé GUILLEMAIN et Stéphane TISON (dir.). – Expériences de la folie. Criminels, soldats, patients en psychiatrie (XIX e-XX esiècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, 327 pages. « Histoire ».
Stéphane TISON et Hervé GUILLEMAIN. – Du Front à l’asile 1914–1918, Paris, Alma éditeur, 2013, 416 pages. « Essai histoire ».

Parus en 2013, les deux ouvrages présentés se proposent de donner à lire une autre histoire de l’administration de la folie dans la France des XIX eet XXe siècles. Expériences de la folieest issu d’une série de colloques organisée au Mans et à Nancy en 2010. Ouvrage dense, il rassemble quelque vingt-cinq contributions de dix-neuf auteurs et autrices et vise un public de spécialistes. Fruit de la collaboration entre un historien des pratiques de santé (Hervé Guillemain) et un historien de la Grande Guerre (Stéphane Tison), Du Front à l’asiles’inscrit dans une tout autre démarche. Publié peu de temps avant le coup d’envoi du centenaire de 1914–1918, il s’adresse aussi bien aux spécialistes et passionnés d’histoire qu’au lecteur de circonstance. Produits de projets éditoriaux très différents, ces volumes procèdent cependant d’une même démarche. Il s’agit dans les deux cas de réinvestir de manière critique l’héritage foucaldien à l’aide des outils de l’histoire sociale et de la micro-histoire ( Expériences de la folie, p. 7–8) pour comprendre comment se transforme l’espace psychiatrique et comment les patients, objets et sujets de ces transformations, les vivent au quotidien. La folie y est donc abordée comme un fait social, d’une part, et comme une expérience singulière, d’autre part. Fidèle à une approche généalogique qui fait la part belle à la discontinuité, la démarche se concentre essentiellement sur trois moments clés : la seconde moitié du XIX esiècle, la Grande Guerre et l’entre-deux-guerres, le dernier tiers du XX esiècle. On comprendra qu’il serait vain de prétendre restituer de manière exhaustive la richesse d’une telle matière. Parce qu’elle constitue le principal point de convergence des deux ouvrages et qu’elle relève davantage de mon domaine de compétence, je me concentrerai ici sur la question des effets de la guerre sur le traitement social de la folie. Tout en insistant sur ce que l’histoire des « troubles mentaux et nerveux » de guerre fait au champ psychiatrique, je montrerai ce que l’histoire des « aliénés de guerre » fait à l’historiographie de 1914–1918. La démarche constitue forcément un pacte de lecture singulier et imparfait, il reviendra à chaque lecteur de conclure le sien.

La « folie aux armées » n’est pas à proprement parler un angle mort de l’historiographie de 1914–1918, mais force est de reconnaître, en accord avec les auteurs, que la comparaison avec la production historienne anglo-saxonne n’est guère flatteuse ( Expériences de la folie, p. 11–12). Malgré un premier moment « psychiatrie » dans l’historiographie française des années 1990, la question ne suscite guère l’intérêt des historiens de la guerre. Quelques ouvrages parus dans les années 2000 y consacrent bien de longs développements, mais la réflexion sur les effets « psy » de la guerre et les modes de prise en charge est surtout l’apanage des psychiatres militaires et des [End Page 113]médecins 1. Tout se passe comme si l’administration de la folie en temps de guerre restait un objet peu noble dans le champ et, en ce sens, ces deux ouvrages sont bienvenus. Ils le sont d’autant plus que l’approche retenue est en partie novatrice. Alors que les recherches menées jusqu’ici ont mobilisé en...

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