Abstract

Although several authors have used the expression “Wall Sickness” (Mauerkrankheit) to designate the pathological reactions to the construction of the Berlin Wall, no study has focused yet on the actual symptoms, nor on the psychiatric interpretation that could be made of these symptoms. This article aims to fill in the missing pieces by focusing mainly on an analysis of psychiatric and psychotherapy records of the era. These sources contain traces of patients’ experiences and enable us to investigate the ways in which the Wall “got into their heads”, pushing some individuals into depression, anxiety or madness. Beginning in the 1960s, the Wall became a source of sadness, confusion or fear, to such a degree that the expression “Wall Sickness” was born. Thus the wall was considered to be a pathogen, in total contradiction with propaganda from the Communist authorities. Although patients could speak of such a sensitive subject as part of their discussions with their therapists, their words were locked in a rationale of “diagnostic circularity”. Paradoxically, the words of these individuals were able to leave traces in their medical records precisely because they were considered to be signs of mental illness – regardless of their political dimension. Through these sources, which record the subject’s voice while reducing him or her to the status of a mentally ill person, historians can gain access to personal experiences that were ordinarily kept silent.

Abstract

Si plusieurs auteurs évoquent l’expression « maladie du Mur » (Mauerkrankheit) afin de désigner les réactions pathologiques survenues à la suite de la construction du mur de Berlin, aucune étude ne s’est encore penchée sur ses manifestations concrètes, ainsi que sur l’interprétation qui a pu en être faite par le savoir psychiatrique. C’est cette lacune que le présent article se propose de combler, en s’appuyant principalement sur l’analyse de dossiers psychiatriques et psychothérapeutiques de l’époque. Contenant les traces des expériences des patients, ces sources permettent d’interroger les modalités selon lesquelles le Mur est « entré dans les têtes », faisant basculer certains individus dans la sphère de la dépression, de l’angoisse ou de la folie. Dès les années 1960, le Mur se fait source de tristesse, de désarroi ou de peur, au point de donner naissance à l’expression de « maladie du Mur » qui en fait un élément pathogène, contredisant totalement la propagande menée par les autorités communistes. Si, dans le cadre de l’échange avec le thérapeute, les patients peuvent évoquer un sujet aussi sensible, leurs mots restent enfermés dans une logique de « circularité diagnostique ». Paradoxalement, c’est justement parce qu’ils sont perçus comme autant de signes d’une maladie mentale que les mots de ces individus – quelle que soit la dimension politique qu’ils renferment – peuvent laisser des traces dans le dossier médical. Grâce à cette source qui, tout en réduisant le sujet à son statut de malade, laisse entendre sa voix, l’historien peut avoir accès à des expériences personnelles d’ordinaire passées sous silence.

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