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Reviewed by:
  • Liberi di scrivere. La battaglia per la stampa nell’età dei Lumi by Patrizia Delpiano
  • Sandro Landi
Patrizia Delpiano Liberi di scrivere. La battaglia per la stampa nell’età dei Lumi Rome, Laterza, 2015, 199 p.

Patrizia Delpiano est déjà connue comme l’auteure d’un important ouvrage consacré à la censure ecclésiastique au xviiie siècle1. Tout en se situant dans le droit fil de cette recherche, Liberi di scrivere est un livre qui vise principalement à rappeler le caractère éminemment conflictuel du processus qui conduit à l’affirmation de la liberté d’expression. À cette fin, l’auteure opère un double déplacement : elle élargit, d’une part, le périmètre initial de son analyse en proposant une étude comparée, entre la France et l’Italie, de débats et de controverses dont la Révolution, « avec la reconnaissance de la liberté d’imprimer » (p. 7), constitue un tournant majeur ; elle suggère, d’autre part, de s’intéresser au phénomène insaisissable de l’autocensure, très peu étudié pour le xviiie siècle, plutôt qu’aux structures et aux pratiques des institutions de censure.

P. Delpiano articule sa démonstration en quatre chapitres. Au cœur du premier est décrite l’émergence d’une figure nouvelle d’intellectuel, « le philosophe », dont le trait spécifique est la revendication du caractère public de la liberté d’expression. P. Delpiano souligne les « effets éclatants » de cette figure publique vis-à-vis du modèle libertin qui faisait de cette liberté le privilège d’une communauté d’initiés (p. 4). Si le célèbre essai de Leo Strauss, La persécution et l’art d’écrire (1952), a été jusqu’à présent utilisé pour penser, entre autres, la sociabilité libertine, l’auteure propose d’interpréter à la lumière de la catégorie de persécution les différentes prises de position des « philosophes » en faveur de la liberté d’expression. P. Delpiano examine, les uns après les autres, de façon chronologique, des cas très connus : Voltaire (Lettres philosophiques, Dictionnaire philosophique portatif), D’Alembert (Essais sur la société des gens de lettres, Discours préliminaire), l’Encyclopédie, Condorcet (Fragments sur la liberté de la presse). L’analyse de la correspondance privée des philosophes permet de donner de l’épaisseur à « l’expérience de la persécution » vécue par ces intellectuels (p. 35). C’est bien cette expérience collective qui confère à leurs revendications un très haut niveau de cohérence et de radicalité. Si P. Delpiano s’interroge sur le niveau de réalité de cette expérience, c’est pour en conclure que ce qui compte est avant tout « l’idée de la persécution qui investit l’imaginaire des philosophes en l’orientant vers un lien naturel entre écriture et persécution » (p. 43). S’intéressant de près au « procès contre les philosophes », le deuxième chapitre étudie la très riche production éditoriale déployée par les adversaires des Lumières (« jésuites, jansénistes, dévots », p. 61). La mise en œuvre d’un discours « antiphilosophique [End Page 790] » s’appuie sur une pluralité de supports (principalement les journaux et les romans) : il s’agit d’une stratégie systématique de dénigrement de l’adversaire destinée à un large public susceptible d’être séduit par les philosophes, notamment les jeunes et les femmes.

Dans les deux autres chapitres, l’auteure s’intéresse au monde italien. Les philosophes des Lumières sont à l’origine d’une représentation très stéréotypée de l’Italie qui serait globalement incapable de s’émanciper de l’Inquisition. Tout en se démarquant de cette lecture, P. Delpiano invite à prendre au sérieux les effets profonds de la Contre-Réforme sur le milieu intellectuel de la péninsule. Dans cette perspective, la « dissimulation honnête », position expérimentée par les intellectuels italiens dans la phase la plus intense de répression de l’hétérodoxie, devient aussi une clé de lecture pertinente...

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